L'affaire d'Ivan, enfant russe sans-papiers de 12 ans, dans le coma après sa chute accidentelle du 4e étage de son immeuble, lors d'une tentative d'interpellation de ses parents à Amiens, met à nu les limites de la politique chiffrée du ministre Brice Hortefeux concernant l'expulsion des étrangers en situation irrégulière. Paris. De notre bureau Les policiers utilisent des méthodes musclées en n'hésitant pas, désormais, à interpeller les sans-papiers chez eux, qu'ils soient parents d'enfants scolarisés ou pas. Les associations d'aide aux étrangers craignent la multiplication des drames. Dans leur ligne de mire, Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement. Fidèle à son image d'homme implacable, l'ami de 30 ans de Nicolas Sarkozy s'est contenté de délivrer un titre de séjour de six mois pour les parents d'Ivan. « Le temps qu'Ivan soit guéri et qu'il soit en état d'être expulsé avec ses parents », s'étrangle une militante du Réseau éducation sans frontières (RESF). « En matière de flux migratoires, la lutte contre l'immigration illégale restera une priorité absolue. Grâce à la politique pragmatique menée par le gouvernement précédent, sous la conduite du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, les reconduites effectives à la frontière ont augmenté de 140% entre 2002 et 2006. Nous resterons très fermes : pour 2007, l'objectif est de 25 000 éloignements. Les étrangers « sans papiers » n'ont pas vocation à rester en France, mais à être raccompagnés dans leur pays d'origine, de manière volontaire ou contrainte », écrit le ministre dans une tribune publiée dans la presse française. Il balaie très vite les critiques des associations accusées d'angélisme. « Je sais que les étrangers devant être raccompagnés dans leur pays d'origine ont parfois des enfants scolarisés. Ma position est claire : s'il est normal que les enfants présents sur le territoire soient scolarisés, cela ne signifie pas que les parents doivent automatiquement bénéficier de papiers. Le droit à l'instruction d'un enfant peut aussi, être satisfait dans son pays d'origine ; il n'a jamais entraîné le droit de séjour du parent. Prétendre le contraire reviendrait à créer une nouvelle filière d'immigration ». Logique arithmétique L'homme ne doute de rien. Fils de banquier, né dans la banlieue chic parisienne, Neuilly-sur-Seine, base de lancement de l'actuel président, Brice Hortefeux sait qu'il a hérité d'un ministère difficile. Pour l'instant, son unique politique se résume à la répression. Sourd aux critiques, il se réfugie dans la démagogie pour se défendre de diriger un ministère à la dénomination très controversée. « Si j'écoute les élites, j'entends d'abord le peuple. 72% des Français approuvent la création et la dénomination de ce ministère ». Les sondages sont en guise d'arguments. Si Brice Hortefeux a accordé un permis de séjour aux parents du petit Ivan et si Nicolas Sarkozy est intervenu des Etats-Unis pour réclamer une commission d'enquête, c'est peut-être bien que le trouble suscité par ce drame n'est pas éprouvé par les seules éternelles bonnes âmes confites d'angélisme. Il est également présomptueux de penser qu'un arsenal juridique même le plus sophistiqué, et qu'une armée de policiers même très zélés, peuvent être un rempart pour les miséreux, qui n'ont qu'un rêve celui de passer un fleuve ou une frontière, pour être du côté libre. Les militants associatifs n'hésitent pas à le décrire comme suffisant, méprisant et dur en négociations. L'ex-ministre délégué à la Promotion de l'Egalité des chances, Azzouz Begag, témoigne dans son livre Le mouton dans la baignoire des propos racistes que lui aurait tenus Brice Hortefeux dans les couloirs de l'Assemblée nationale. Et dès qu'il a pris la tête de son ministère, les historiens de la Cité de l'histoire de l'immigration ont présenté leur démission refusant tout amalgame entre immigration et identité nationale. « Lier immigration, intégration et identité n'a rien de honteux. Cacher notre identité à ceux qui souhaitent s'installer en France, reviendrait à renier les valeurs qui ont forgé notre histoire et à accepter l'idée que l'immigration ne soit dictée que par des considérations matérielles. La promotion de notre identité ne révèle strictement aucune hostilité à l'égard des immigrés », écrit-il dans sa tribune. Une fois encore, il restera sourd à l'appel de 200 historiens et intellectuels qui se sont élevés contre la dénomination de son ministère, préférant encore trouver justification dans les sondages.