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L'« examinite » : un virus mortel
Les enseignements du bac
Publié dans El Watan le 08 - 09 - 2007

Chose inédite — bien que prévue par les observateurs avisés : doucement mais sûrement, notre pays rejoint le Japon et l'Egypte dans une spécialité macabre : les suicides des recalés au bac.
Cette année, la liste égyptienne a été inaugurée la veille de l'épreuve, où un jeune lycéen du Caire, âgé de 20 ans, s'est suicidé. L'effroi a glacé les villes de Blida et d'Oran au moment où les résultats du baccalauréat 2007 ont été affichés. La ville des Roses a enregistré la mort par suicide d'une jeune lycéenne. A Oran, la vigilance et le savoir-faire des médecins urgentistes ont sauvé in extremis, six lycéens dont deux jeunes filles. Ils venaient de sauter le pas fatidique, le fil rouge de la violence extrême : celle du suicide. Pour le même motif que celui de la pauvre Rym de Blida. La presse a annoncé un autre suicide à Tiaret pour cause d'échec au BEM. Où va-t-on avec de telles situations ? L'occasion nous est offerte par ces tristes événements pour nous recueillir sur la mémoire de la petite Ahlam de Mostaganem. Elle est, peut-être la première à être recensée parmi les victimes de l'école. C'était en 2001, elle s'était pendue dans sa chambre, habillée de son tablier de collégienne. Et dans sa poche, son dernier bulletin de l'année — de sa vie. Il portait la mention fatale : « Orientée vers la vie active ». Elle était en 8e AF. Des morts que l'on pouvait éviter.
Héritage colonial
L'exercice est fastidieux de ressortir encore une fois, l'amère vérité des graves dysfonctionnements de notre système éducatif trop dépendant de celui hérité de la colonisation. Votre rubrique les a, à maintes fois, rappelés. En leurs temps, lors du congrès de médecine scolaire et de colloques sur la santé mentale des enfants, des médecins, des psychologues et des psychiatres avaient mis en relief les graves dangers que fait planer la logique de l'examen/sanction (1). Au début du XXe siècle, le suicide n'était pas évoqué. La pression sociale n'avait pas encore atteint son paroxysme pour peser sur le fonctionnement de l'institution éducative. Les temps ont changé et les progrès de la pédagogie ont amené d'autresmodèles et d 'autres méthodes d'évaluation scolaire. Elles sont totalement différentes de celle — immuable depuis Napoléon — qui consiste à dresser un tribunal en session ouverte pendant quatre jours (le temps de l'examen), afin de prononcer un jugement définitif sans avocat, ni possibilité d'appel. « Injustice et non justice ! », clament des suppliciés innocents. Ils ont trimé et cumulé, leur scolarité durant, de bonnes notes et des récompenses. Ce sont là pourtant des preuves sans failles…mais inutilisables, car non prises en compte par l'instruction. Devant ce déni, ils se révoltent à leur manière. Certains se suicideront. Et là, nous devons nous sentir tous responsables, à des degrés divers, certes. La société, les publicités commerciales, les médias et les politiques ont tellement dramatisé (à l'excès) ces examens scolaires que la pression a débordé… jusqu'à l'explosion : le désespoir et le suicide. En pleine croissance, les âmes frêles des enfants et des adolescents ne sont pas assez mûres pour gérer une telle situation d'angoisse et de stress. Le spectre du chômage, la mal-vie, l'oisiveté, la précarité sociale des familles constituant déjà des motifs assez graves pour nourrir l'angoisse des lendemains qui déchantent. D'ailleurs, dans les rares pays où le suicide des recalés au bac bat la cadence, les statistiques placent les candidats issus de familles pauvres en tête de liste des « desperados ». Ils sont les plus vulnérables, les plus nantis sont assurés d'un avenir doré…avec ou sans le bac. Il y a lieu de prier Dieu pour qu'Il préserve les enfants du préscolaire d'un examen de passage au primaire… On ne sait jamais avec « l'examinite » ambiante. La fatalité est-elle inscrite en lettres indélébiles sur les frontons de nos établissements scolaire ? Les barrages filtrants des examens/contrôles de fin de cycle sont-ils paroles d'évangile ? Cette réalité, bien des pays l'ont comprise et épargnent ainsi à leurs élèves les supplices de la torture morale, que sont les examens de contrôle/sanction. Au Canada, dans les pays nordiques, pour ne citer que ceux-là, les fins d'année scolaire joyeuses donnent aux parents, aux élèves et aux enseignants l'occasion de communier dans la fête. Il paraît que nous ne sommes pas assez majeurs pour assimiler les vertus des méthodes appliquées dans ces pays. Cette réflexion est monnaie courante dans certains cercles des bien-pensants, qui entérinent la survivance la plus marquante du système idéologique colonial, à savoir l'examen du baccalauréat. Une survivance qui encourage le culte du diplôme afin de favoriser l'élaboration d'une classe de privilégiés. Cet examen il ne faut jamais l'oublier demeure un filtre de sélection sociale. Même avec 100% de réussite, ce filtre injuste fonctionnera toujours, car c'est là sa fonction première. Les exemples français et algériens sont là pour le prouver. Ainsi l'ont voulu ses géniteurs… aux origines préhistoriques de la pédagogie.
(1) Qui n'a pas remarqué le silence des autorités médicales et des scientifiques algériens (ou ce qu'il en reste) sur les divers dangers encourus par la population scolaire ? Exceptées les Journées d'hygiène bucco-dentaire, jamais une manifestation d'envergure pour étudier tel ou tel sujet de la vie scolaire et en relation avec leur spécialité. Bizarre !


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