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Les fossoyeurs de la paix(1re partie )
La politique américaine au Moyen-Orient
Publié dans El Watan le 08 - 11 - 2004

Dans un discours adressé en 1962 aux diplomates d'Amérique latine, le président John F. Kennedy prophétisait : « Ceux qui rendent l'évolution pacifique impossible rendront inévitable la révolution violente(1). »
Son destin personnel ne lui a pas permis de mesurer, a posteriori, la justesse de ses propos concernant la politique menée par son pays à l'encontre de nombreuses populations du tiers monde. Abusant de leur superpuissance militaire, les Etats-Unis ont bombardé sans discernement et sauvagement 26 pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, semant ainsi la terreur et la haine au sein des populations du Sud-Est asiatique, d'Amérique latine, d'Afrique et du Moyen-Orient. Il était donc prévisible qu'ils récoltent, à terme, les fruits amers de leur politique injuste et belliqueuse en vertu du vieil adage : « Qui sème le vent récolte la tempête. »
Un prodigieux enjeu économico-stratégique
Le Moyen-Orient, que le président Dwight Eisenhower considérait comme « la plus importante zone stratégique du monde »(2), reste, sans conteste, la région où les Etats-Unis donnent la vraie mesure de leur cynisme. Se situant à l'intersection de trois continents, cette région est, historiquement, à l'origine des convoitises des puissances rivales depuis au moins 4000 ans. Le département d'Etat la considère comme « une source prodigieuse de pouvoir stratégique et l'un des plus grands enjeux économiques de toute l'histoire de l'humanité »(3). Ceux qui, parmi les hommes politiques occidentaux, ont vu dans « l'intervention » des Etats-Unis en Irak une opération destinée à « libérer » le peuple irakien de la tyrannie sont de vulgaires menteurs. Quant à ceux que l'on appelle « les nouveaux philosophes », qui se sont auto-érigés « conscience du monde » s'évertuant à la justifier, je préfère réserver mon jugement pour ne pas écorcher les âmes sensibles. Le philosophe monténégrin Stanko Cerovic classe les hommes politiques en deux catégories : « La différence entre les grands hommes d'Etat et les politiciens qui ne sont pas à la hauteur réside dans le fait que les premiers se résignent au mensonge comme à un pis-aller, pour exprimer ou réaliser leurs grandes visions, alors que les seconds pensent que la politique n'a de sens que dans le mensonge et la flatterie, le mensonge permettant d'occulter la vérité dont ils ignorent tout et avec laquelle ils n'ont pas envie de se coltiner. Comparez le rapport au mensonge de de Gaulle et celui de la génération clintonienne. La politique transforme les hommes : ceux qui sont biens en meilleurs et ceux qui ne valent rien en gredins. Cela n'est pas différent dans l'art. »(4) Reprenant à leur profit le brasier allumé par le défunt empire britannique, qui s'en est donné à cœur joie dans le découpage territorial et la division des peuples du Moyen-Orient, pour en faire le bourbier du XXe et XXIe siècles, les Etats-Unis s'appliquent, depuis le départ des troupes britanniques en 1969, mais de manière moins subtile, à déstabiliser cette zone stratégique, par un soutien inconditionnel à l'Etat d'Israël au détriment des peuples de la région, y compris, à long terme, de celui d'Israël. Peu avant son assassinat, Yitzhak Rabin lançait un avertissement à peine voilé aux dirigeants du Likoud : « Cette région a donné naissance à de nombreux prophètes, mais je ne conseille pas à certains de prédire ce qui se passera dans une cinquantaine d'années si nous ne faisons pas la paix avec nos voisins... » Sa volonté de faire la paix avec les Palestiniens explique sans doute pourquoi les services israéliens, réputés pourtant efficaces, ont laissé un « illuminé » l'assassiner. L'histoire révélera un jour qui étaient les véritables commanditaires de ce crime contre la paix. L'injustice faite aux Palestiniens, victimes du premier nettoyage ethnique de l'après-guerre, en 1948, et qui se poursuit d'ailleurs jusqu'à ce jour, a contribué, directement et indirectement, à l'émergence de mouvements extrémistes au sein des masses populaires arabes. Très pragmatique, le président Jimmy Carter déclarait en 1989 : « Dans ces villages autour de Beyrouth, nous avons bombardé, pilonné et tué sans merci des villageois parfaitement innocents... Le résultat, c'est que nous sommes devenus à leurs yeux une sorte de Satan. C'est ce qui a précipité les prises d'otages ainsi que certains attentats terroristes. »(5) L'attentat du 11 septembre n'est donc pas le fruit du hasard. Il est, en partie, la conséquence de cette politique volontairement injuste et partisane en faveur de l'Etat d'Israël, son gendarme régional, qui s'est poursuivie avec une singulière régularité, sous les administrations républicaine et démocrate. La thèse de Thierry Meyssan(6) n'en reste pas moins convaincante si l'on considère, a posteriori, que le crime a surtout profité, et profite toujours, aux Etats-Unis ou plutôt au complexe militaro-industriel qui « s'est fabriqué » un nouvel ennemi en substitution à l'ex-Union soviétique, pour poursuivre sa folle course aux armements. Pour abonder dans le sens du Réseau Voltaire, nous relevons que l'attaque à l'anthrax, tout en créant une grande psychose au sein de la population américaine, a permis au Pentagone de se voir doté de 600 millions de dollars supplémentaires dans le domaine de la lutte contre le bioterrorisme(7). Or l'enquête sur le ou les auteurs de cette attaque bactériologique a subitement été stoppée dès qu'il s'est avéré, du fait de la sophistication de la matière produite, qu'elle provenait des laboratoires dépendant de l'armée US... Dans un rapport dressé par une commission du Sénat français, composée de vieux briscards de la politique, suite à un voyage d'études aux Etats-Unis, il a été relevé à ce propos que « des interrogations subsistent sur les intentions réelles des auteurs de ces actes »(8). Suivez leurs pensées... Il est utile, à cet égard, de relever qu'une semaine avant l'attaque du 11 septembre, le New York Times révélait que l'Administration souhaitait dissimuler certains programmes de guerre biologique dont un plan d'ingénierie génétique sur une souche résistante d'anthrax(9). En suivant les pensées de ces messieurs du Sénat, vous aurez tout compris. Et comme les stratèges du complexe militaro-industriel ont de la suite dans les idées, le Congrès a été mis à l'épreuve pour allouer 1,5 milliard de dollars pour les « défenses militaires et civiles » dans ce domaine(10). En 1992, la chute de l'Union soviétique aurait pu laisser croire à une nouvelle orientation de la politique américaine, puisque se trouvant sans rival à même de contrer leur hégémonie. A ce propos, Oussarna Ben Laden faisait observer que « l'effondrement de l'Union soviétique a rendu les Etats-Unis plus hautains et ils ont commencé à se considérer comme les maîtres de ce monde en établissant ce qu'ils appellent un nouvel ordre mondiaL Aujourd'hui, les Etats-Unis ont un double langage, appelant terroriste quiconque va à l'encontre de leur injustice, ils veulent occuper nos pays, voler nos ressources... et ils veulent que nous soyons d'accord ».(11) L' analyse des événements, qui se sont succédé dans cette partie du monde depuis quatre décennies, montre à l'évidence que les Etats-Unis se comportent en véritables fossoyeurs de la paix. Le feu vert donné par Washington à la récente décision d'Ariel Sharon, en août 2004, d'accroître les colonies en Cisjordanie ne fait que confirmer leur désir de faire perdurer cet abcès de fixation que sont les colonies, pour rendre la paix impossible. D'ailleurs, l'Israélien Jeif Halper, responsable du Comité contre les démolitions de maisons, confiait à ce propos au correspondant du journal Le Monde : « Les diplomates américains ont besoin d'un prétexte pour justifier leur politique de soutien aux colonies. Mais ils ne sont pas dupes. J'en ai souvent rencontrés, ici comme aux Etats-Unis. Je les ai accompagnés dans des tours en Cisjordanie. Ils savent qu'il ne s'agit pas de croissance naturelle ou ‘‘d'expansion verticale''. Ils savent que derrière ces termes, de nouvelles colonies sont en cours de construction. Leur attitude est complètement cynique. »(12) Les dirigeants palestiniens doivent cesser de se lamenter sur le parti pris américain en faveur de son gendarme régional. Aucune illusion ne doit subsister sur ce fait bien établi. Lorsque Saeb Erekat, ministre palestinien chargé des Négociations, déclare : « Cela détruit le processus de paix et la solution des deux Etats »(13), cela dénote soit une méconnaissance du rôle assigné à Israël par la Maison-Blanche dans la région, soit la crainte de dénoncer de la manière la plus solennelle ce parti pris et d'en tirer, aussi bien devant l'opinion publique internationale que devant les trois autres pays composant le Quartette, les conséquences qui s'imposent, à savoir la récusation des Etats-Unis en tant qu'arbitre, pour parvenir à la paix dans ce conflit qui dure depuis plus d'un demi-siècle. Sur ce point, les dirigeants du Hamas ont une longueur d'avance dans la perception réelle de cette mascarade que constitue le « processus de paix », véritable chasse gardée des Etats-Unis. Il est donc clair que le soutien inconditionnel des Etats-Unis en faveur de l'Etat d'Israël durera tant que leur intérêt géostratégique restera une donnée fondamentale de leur politique de domination du monde par le contrôle des ressources pétrolières. Cela sans compter que les Etats du Moyen-Orient, Israël compris, sont, du fait de cette instabilité voulue, initiée et encouragée par Washington, les meilleurs clients d'armements du complexe miitaro-industriel. Les armes viennent en tête des exportations américaines et représentent plus de 30% du total des ventes américaines.(14) D'ailleurs, les responsables politiques américains, au plus haut niveau, ne s'en cachent pas en insistant sur l'extraordinaire intérêt que représente cette région pour leur pays. Au moment où Madeleine Albright était ambassadrice auprès de l'Organisation des Nations unies, elle déclara au Conseil de sécurité : « Nous agirons de façon multilatérale quand nous le pourrons et unilatéralement quand nous le jugerons nécessaire car nous considérons cette région du Proche-Orient comme étant d'une importance vitale pour les intérêts nationaux des Etats-Unis (15). » L'invasion puis l'occupation de l'Irak a prouvé que pour leurs intérêts, ils n'hésitent devant aucun obstacle, y compris le génocide, comme du temps de la conquête de l'Ouest où des millions d'Amérindiens furent massacrés.
Les colonies : un abcès de fixation contre la paix
Que les Palestiniens ne s'avisent surtout pas de regretter l'Administration Clinton. Si aujourd'hui ce parti pris apparaît au grand jour avec les républicains, il était plus sournois mais plus efficace du temps du président Clinton. En bon représentant des WASP (White Anglo-Saxons Protestants) et du complexe militaro-industriel, il a poussé le cynisme jusqu'à utiliser un bon nombre de responsables de son Administration, (Madeleine Albright, Dennis Ross, Sandy Berger, Aaron Miller...), tous juifs américains, pour réaliser sa politique d'entrave à la paix , creusant ainsi pour le long terme le tombeau de l'Etat d'Israël. Que l'on se rappelle le rire homérique de Bill Clinton au moment où le président Arafat et le Premier ministre Ehud Barak se faisaient des politesses pour entrer dans la salle des négociations à Camp David. Ce rire semblait vouloir dire : « A quoi bon, puisque de toutes les façons, ce sont nous, les WASP, qui tirons les ficelles.
Notes
(1) La Maison-Blanche, Washington 12 mars 1962, cité par S. Zunes dans La Poudrière. (2) Spiegel Steven « The other Arab Israël Confict », cité par S. Zunes. (3) Foreign relations of US 1945, vol.VIII, cité par S. Zunes (4) Dans Les griffes des humanistes de Stanko Cerovic (5) Jimmy Carter New York Times 26 mars 1989 (6) Lire L'Effroyable imposture de Thierry Meyssan (7) Dans la politique de défense des Etats-Unis http://www.senat.fr (8) Idem op cit. (9) Susan Wright dans Double langage et guerre bactériologique dans Le Monde Diplomatique nov. 2001 (10) ldem op cit. (11) Oussama Ben Laden cité par Peter Bergen dans Holy War. (12) Le Monde du 25 août 2004. (13) US Departement of Commerce, 2002, Office of Trade and Economic Analysis. (14) Le Monde op cit. (15) Madeleine Albright citée par Noam Chomsky dans L'Amérique Etat voyou.


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