Le premier bateau est attendu avant décembre prochain dans le nouveau port en eau profonde à l'est de Tanger. Le montage pour réaliser cet ouvrage rend compte d'anticipations « optimistes » sur le trafic conteneurs en Méditerranée. Djendjen est sous pression. La concurrence des ports méditerranéens en eau profonde s'accentue pour capter des parts grandissantes du trafic conteneurs mondial, en plein expansion. Le Maroc a décidé d'en être lorsqu'il a opter en 2001 pour la construction d'un grand port à 40 km à l'est de Tanger dans la partie du détroit de Gibraltar tournée vers « la mer intérieure ». L'ouvrage a été inauguré cet été par le roi Mohammed VI. L'un des deux terminaux à conteneurs prévus, devrait accueillir son premier bateau avant la fin de l'année. Le gouvernement marocain a réussit à faire partager le risque d'un tel investissement avec des opérateurs étrangers : l'Agence spéciale Tanger Med (TMSA) a assuré, sur fonds publics, les principales dépenses de gros œuvres : remblais sur la mer, digues et jetées (pour environ 150 millions d'euros), voies d'accès, voie ferrée, travaux hors site. Le reste, l'aménagement des quais, des terre-plein, des airs de stockages et l'ensemble des équipements de manutention ont été financés par les acquéreurs des concessions d'exploitation des deux terminaux à conteneurs et du port pétrolier. Le souci majeur d'attirer du gros trafic conteneur Il s'agit dans le premier cas du danois Maersk, leader mondial du transport maritime qui a raflé à travers ses filiales 90% du capital de la société concessionnaire. Selon les termes de la convention qui le lie à TMSA pour une durée de 30 ans, le groupe Maersk s'engage à investir 120 millions d'euros (1,3 milliard de dirhams) à l'horizon 2007 et à porter ce montant à 150 millions d'euros (1,6 milliard de DH) dans les trois ans qui suivent. Les redevances mensuelles dont le montant global actualisé sur la période de concession dépasse les 100 millions d'euros (1,1 milliard de dirhams). La concession d'exploitation du second terminal a été attribué à un consortium qui réunit des majors. On y retrouve l'italo-suisse MSC deuxième armateur dans le monde et le Français CMA-GCM numéro trois des transporteurs marins. Aux termes de l'accord de concession d'une durée de 30 ans, le groupement s'engage à créer des compagnies maritimes marocaines dédiées aux activités de transport régional de conteneurs (feedering) et à doter ces dernières d'un nombre minimal de six navires pendant toute la durée de la concession. Il s'engage également à garantir, dès les premières années d'exploitation, l'utilisation dans une large proportion de la capacité du terminal (1,5 million d'EVP). La concurrence rend nombreuse les incertitudes en Méditerranée A travers ce contrat, TMSA assure une mise en service de l'ensemble du principal quai à conteneurs du port, d'une longueur de 1.612 m dès 2008, permettant ainsi à Tanger Med d'atteindre une taille critique en termes de trafic. Le terminal pétrolier – attribué au consortium formé par les sociétés Horizon Terminals Limited (Emirats arabes unis), Afriquia SMDC (Maroc) et Independent Petroleum Group (Koweït) - et de la zone franche – obtenue par l'émirati Jebel Ali, complètent les revenus concessionnaires du projet Tanger Med. Mais tous les spécialistes le disent, le souci qui a orienté la négociation des autorités marocaines dans le partenariat de Tanger Med aura été plus industriel que financier. En effet, le pari à gagner, comme le montre les termes des concessions, est celui du trafic de conteneurs que réussira ou pas à attirer ce nouveau port. Tout n'est pas, de ce point de vue, garantit d'avance. Un nouveau port qui démarre et qui doit s'assurer plus de 3 millions de conteneurs EVP au bout de trois ans d'activité, voilà un pari qui parait un peu trop optimiste pour des spécialistes qui se sont fait l'écho de leur réserve dans la presse marocaine. Responsable ? La concurrence des autres ports en Méditerranée qui tablent sur la même croissance du trafic mondial de conteneurs pour élargir leurs activité de transbordement. L'activité transbordement est en effet réservée aux ports en eau profonde dont le tirant d'eau dépasse les 17 mètres et qui peuvent de ce fait accueillir les plus gros tonnage, des navires de plus de 12 000 boites, généralement sur la route Asie-Amérique ou Asie-Europe. Les conteneurs passent sur des moyens et des petits tonnages qui approvisionnent les ports régionaux, ou ne se rendent plus les gros tonnages. La vocation « port d'éclatement » de Tanger Med reste donc à démontrer. Un pari semblable à celui de Djendjen Le littoral de l'Afrique de l'ouest est une cible, de même que Tanger Med espère desservir l'ouest algérien et le sud de l'Espagne ou Maersk qui détient le hub de Algésiras, en extension actuellement, a sans doute prévu de lui aménager des destinations secondaires. A défaut de devenir rapidement le hub de la rive sud Méditerranée, pari qu'il faudra suivre attentivement les mois suivants son entrée en activité, Tanger Med peut déjà considéré qu'il est en voie de lancer une dynamique autour du développement du nord du Maroc, avec les nombreuses implantations de sous-traitance qui sont venues dans la région entre Tétouan et Tanger depuis l'amorce du projet du nouveau port. 130 000 emplois directs et indirects sont attendus de cet équipement lorsqu'il aura atteint sa charge d'activité prévue à l'horizon 2012. Port en eau profonde, zone franche en amont, trafic à drainer, concession à négocier : le projet Tanger Med lancé en 2001 et qui s'apprête à entrer en activité ne peut pas ne pas rappeler un dossier portuaire bien connu des Algériens, celui de Djendjen. Face à Malte situé au cœur de la route Méditerranée et à Gioia Tauro, le Hub de MSC sur la botte de l'Italie, Djendjen a une chance de devenir un port moyen d'éclatement. Il n'aura de concurrent sur la rive sud que le nouveau port de Tanger Med. Mais pas pour longtemps. C'est sans doute le point de vue de Dubai Ports World, DPW qui est en cours de négociation pour s'acquérir une concession sur le port de Djendjen en joint venture avec l'entreprise portuaire locale. Développer l'activité d'un port qui n'en a pas, est un risque industriel et commercial sérieux, même dans un commerce mondial par « boites » qui continue d'exploser. Aussi pour attirer DPW à Djendjen, les autorités algériennes ont offert 50% du terminal à conteneur d'Alger. L'appât était il trop gros ? C'est l'avis des syndicalistes et d'une partie de l'encadrement de l'Entreprise du port d'Alger. Il faut maintenant voir ce que les marocains ont offert en appât pour amener les trois premiers armateurs du monde sur les deux terminaux de Tanger Med. Le temps est compté.