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La Belgique en voie de disparition ?
L'unité du royaume face aux revendications d'autonomie des Flamands
Publié dans El Watan le 26 - 09 - 2007

Le paisible royaume de Belgique risque-t-il d'imploser ? « Si j'étais roi, je commencerais à m'inquiéter », écrit l'éditorialiste de l'influent quotidien belge Het Laastle Niews.
Et c'est peu dire. Depuis plus de 100 jours, la Belgique reste sans gouvernement. Une crise politique qui, en se prolongeant dans le temps, pousse l'opinion publique flamande à se radicaliser dans sa revendication indépendantiste.
« Bye bye Belgique » ?
Les Flamands ont voté en juin dernier aux deux tiers pour des partis qui réclament soit l'indépendance de leur région, soit un confédéralisme qui leur permettrait d'arrêter les transferts financiers vers une Wallonie francophone plus pauvre. Filip Dewinter, leader du Vlaams Belang, bloc flamand d'extrême droite teinté de xénophobie, a résumé cette position lors d'une interview à la presse belge : « Nous sommes deux nations différentes, un Etat artificiel créé pour servir de tampon entre de grandes puissances, et nous n'avons rien en commun à part un roi, le chocolat et la bière. C'est l'heure du ‘'bye-bye Belgique''. » Dewinter veut couper le royaume en deux suivant une ligne horizontale : la Flandre au Nord et la Wallonie au Sud. Selon un récent sondage, c'est ce que réclame près de la moitié des Flamands. Plus frappant encore, à la question posée dans un sondage d'un quotidien belge, de savoir si les Flamands pensent que la Belgique va disparaître, 65,6% répondent par l'affirmative et 46,1% le souhaitent. Du côté francophone, on refuse tout net une telle évolution qui aggraverait encore les problèmes économiques déjà graves d'une Wallonie héritant de compétences qu'elle ne pourrait financer, par exemple en matière de sécurité sociale.
Blocage de la vie politique
Les dernières élections ont plébiscité en Flandre le démocrate-chrétien Yves Leterme, du CD & V, qui a fait bloc avec une petite formation très autonomiste, la Nouvelle alliance flamande (NVA). En Wallonie, les socialistes sont demeurés le parti majoritaire. Mais les divisions sont si profondes entre Flamands et Wallons qu'Yves Leterme n'est pas parvenu à former sa coalition, appelée l'« Orange bleue » (orange pour les démocrates-chrétiens et bleu pour les libéraux). Malgré quatre rapports remis au roi Albert II - qui joue le rôle de médiateur — l'« explorateur » nommé par celui-ci, le président démocrate-chrétien de la Chambre, Herman Van Rompuy, n'a guère obtenu plus de résultats pour l'instant. En résumé, selon le correspondant de Reuters à Bruxelles, « alors que les libéraux, grands vainqueurs des élections dans le sud du pays et les démocrates-chrétiens flamands, qui ont remporté le scrutin dans le nord, ont des programmes parfaitement compatibles sur le plan socioéconomique, ils ne parviennent pas à s'entendre sur les réformes institutionnelles ». Car, pour la première fois depuis la création de ce royaume en 1830, 60%, des électeurs flamands ont voté pour des listes qui prônent l'indépendance ou, au moins, un transfert de compétences à la Flandre qui ferait de l'Etat fédéral, une coquille vide. La Belgique deviendrait ainsi une « confédération » composée de la Flandre (nord, néerlandophone), de la Wallonie (sud, francophone), et de Bruxelles (très majoritairement francophone). Dans un avenir plus ou moins lointain, ces trois régions n'auraient plus en commun que quelques compétences, comme la politique étrangère. C'est alors le scénario de l'éclatement de la Belgique.
La guerre des langues
La crise actuelle réveille de vieux réflexes entre les deux grandes communautés linguistiques belges, les Flamands au nord et les Wallons au sud. Il faut remonter à 1830, date de l'indépendance de la Belgique, coincée entre la Hollande monarchiste au Nord et la France révolutionnaire au Sud. La Belgique sera, depuis, un royaume uni, mais qui peine à concilier la fracture linguistique entre néerlandophones au nord et francophones au sud. A l'indépendance en 1830, la bourgeoisie s'exprimant en français a dominé le jeune royaume, considérant les Flamands comme des paysans ne s'exprimant qu'en dialecte vulgaire. Depuis les années 1960, la situation a cependant progressivement basculé avec l'apparition d'une nouvelle « élite » flamande : le grand couturier Dries Van Noten ou le metteur en scène Jan Fabre, ainsi que tous les Premiers ministres belges depuis 30 ans, sont des Flamands. Actuellement, 60% de la population belge est flamande. Depuis des années, la communauté néerlandophone se sent « lésée » car, dans la capitale, Bruxelles, le français est souvent privilégié, et dans les régions francophones, seule la langue française est employée, notamment la signalisation ou sur les devantures des magasins. Dans les parties flamandes de ce royaume de 10,5 millions d'habitants, la quasi-totalité des panneaux portait des inscriptions dans les deux langues jusqu'à ce que les autorités flamandes, suite à la crise, retirent toutes les indications en français.
Décalage économique
Fondamental, le second élément de la division concerne l'économie. Les régions wallonnes, qui concentraient l'industrie lourde, ont été relativement épargnées par la Seconde Guerre mondiale. Rapidement, la partie francophone de la Belgique a été le théâtre d'un boom économique, alors que le côté flamand recensait les dégâts de la guerre au nombre desquels, la destruction du port d'Anvers. Tous les efforts ont donc été concentrés sur la reconstruction. L'erreur de la Wallonie a été de rester focalisée sur son industrie lourde sans développer une économie fondée sur les technologies modernes. Un manque de prévoyance que la région a payé au début des années 1970, quand l'Europe fut touchée par une crise métallurgique. La Flandre, reconstruite et modernisée, a dès lors repris le flambeau de la croissance économique belge. Pour pallier ce déséquilibre entre les deux régions, l'Etat est intervenu en créant des emplois dans la zone francophone, notamment dans le secteur des chemins de fer, de la poste et de l'aviation avec la création de la Sabena, la compagnie aérienne belge. Ces mesures n'ont pas été suffisantes et la Wallonie est entrée dans une période de stagnation. Les réformes économiques requises par le processus de la construction européenne ont aggravé la situation. Contraint de privatiser de nombreux secteurs, le gouvernement belge ne pouvait plus créer d'emplois artificiellement en Wallonie par le biais de sociétés étatiques. La Flandre s'est donc trouvée dans l'obligation d'injecter de l'argent dans les caisses wallonnes. Une situation à l'origine de frustrations des Flamands. Aujourd'hui, les Flamands demandent plus d'autonomie pour diriger leur région en ce qui concerne notamment le budget et le système économique et fiscal. Pour réaliser ce projet, une réforme de la Constitution est toutefois nécessaire. Cependant, pour amender la Loi fondamentale, une majorité des deux tiers au Parlement est requise. L'appui des francophones est donc indispensable. D'où le blocage actuel. Quelques indices de l'optimisme belge
La meilleure preuve que la Belgique ne va pas disparaître, « c'est qu'on se dispute depuis 50 ans et qu'on n'est toujours pas séparé (...) Quel couple survivrait à une telle épreuve durant 50 ans ? », a souligné le ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht dans un entretien au quotidien belge Le Soir de samedi 15 septembre. L'optimisme du ministre du gouvernement sortant s'explique par plusieurs facteurs. La présence des institutions européennes sur le territoire belge représente une certaine garantie contre la division du pays, ensuite, le roi Albert II est toujours considéré comme le grand pilier du système belge, un ciment entre les communautés. Il est respecté par tous en tant que personne et en tant qu'institution. Par ailleurs, certains analystes avancent que plusieurs pays européens — de peur des revendications linguistiques ou séparatistes — voient d'un très mauvais œil la disparition du royaume et l'émergence d'entités linguistiques.


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