Avec une superficie de 2 km2 et une population estimée à 160 000 habitants, Bab El Oued connaît ainsi une densité des plus fortes du monde, c'est-à-dire 80 000 hab/km2. Certains iront jusqu'à la classer au même titre que Calcutta, une ville indienne connue pour sa forte démographie. Les inondations qui ont frappé cette commune dans la matinée du 10 novembre 2001 ont transformé littéralement des pans entiers de ce quartier. Néanmoins, trois années plus tard, la population restera pratiquement la même malgré les quelques centaines de familles qui ont été relogées ailleurs. Les naissances enregistrées depuis ont forcément comblé les départs, affirme-t-on auprès de l'APC. Birtouta, Zéralda, Draria, Baba Ali, entre autres localités banlieusardes, accueillent aujourd'hui les « anciens » de Bab El Oued. Un départ forcé dans la mesure où leurs immeubles, tiraillés par les eaux en furie, étaient inexorablement voués à la démolition. Que sont devenus ceux qui ont vu le jour et vécu à la rue Colonel Lotfi ou celle de Rachid Kouache (ex-Léon Roche), pour ne citer que ces deux artères les plus célèbres et non moins affectées par la terrible tempête de 2001, trois années après leur évacuation ? « Je ne crois pas que je pourrai m'habituer à Baba Ali. En plus du fait qu'elle nous a choqués au plan psychologique, cette catastrophe nous a déracinés. Je me considère comme un poisson que l'on a sorti de l'eau, ou si vous voulez un déporté », témoigne Dahmane, ex-résident à la rue Rachid Kouache. La quarantaine, ce père de deux enfants a toutefois bénéficié d'un logement, même si auparavant il cohabitait avec ses parents. C'est dire la nostalgie qui ronge ce féru de l'USMA, qui passait « le plus clair de son temps (libre), dit-t-il, au café la Butte qui a été également démoli. Un lieu prisé par excellence par Ouled el houma et dont l'histoire - il existe depuis le début du siècle dernier - est intimement liée à celle de Bab El Oued. A l'instar de Dahmane, les anciens sont nombreux à fréquenter, inlassablement, « leur » Bab El Oued. Ceux qui possèdent des véhicules se considèrent comme les plus chanceux, en ce sens que rien ne les empêche pas de faire le « pèlerinage quotidien ». De leur côté, ceux qui sont restés n'hésitent pas à pousser un « ouf » de soulagement. « Dieu soit loué que l'on soit toujours chez nous », s'écrient en chœur des jeunes résidant à la rue du Commandant Mira. Cette partie de Bab El Oued, longeant la mer Méditerranée, a été, heureusement, épargnée. « Nous sommes doublement satisfaits : nous sommes restés chez nous en plus du fait que notre cher quartier a été entièrement relooké. Nous respirons mieux qu'avant le 10 novembre 2001 », reconnaissent-ils avant de marquer un silence religieux. « Cela ne nous empêche pas de penser au millier de morts, happés par cette subite tempête », ajouteront-ils. Des espaces d'utilité publique ont été dégagés, en effet, après la catastrophe, à savoir un jardin public à proximité des Trois Horloges, des minicomplexes sportifs de proximité, des bibliothèques avec espace multimédia au niveau de Rachid Kouache et El Kettani, un circuit « automobile » pour enfants, à côté de la sûreté de daïra. « Nous sommes également sur le point de livrer à nos concitoyens un espace de promenade qui servira de prolongement de l'esplanade d'El Kettani et, à moyen terme, un stade de 15 000 places qui sera édifié sur les “restes” de l'ex-stade Ferhani », annonce le P/APC, Mohamed Babou. En matière d'infrastructures de base, le quartier « martyr » bénéficiera dans le semaines à venir, ajoutera le maire, d'une voie de circulation automobile qui contournera le futur stade. Cela dit, Bab El Oued est-elle aujourd'hui à l'abri d'une catastrophe de la trempe du 10 novembre 2001 ? « En contenant définitivement le lit de l'oued M'kessel - cet oued qui s'est dévalé furieusement de Frais Vallon jusqu'à la mer -, l'Etat nous a, de ce fait, rassurés, pour la postérité », conclut le P/APC.