Le Comité français consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé avait prévenu il y a plus de 10 ans : « La science génétique a eu et peut avoir dans le futur plus de répercussions individuelles, politiques et sociales qu'aucune autre science. » L'amendement autorisant le recours aux tests ADN pour les candidats au regroupement familial en est la meilleure preuve. Mercredi, les sénateurs français ont validé le texte malgré la vive polémique autour du sujet. Mais dans quel cadre se sert-on de l'empreinte génétique ? Décryptage. Distinguer une personne d'une autre Il existe deux types de séquences d'ADN, qu'on appelle codantes et non codantes. Les premières servent à fabriquer des protéines qui définiront la couleur des yeux ou le groupe sanguin. Nous sommes donc plusieurs à partager les mêmes. En revanche, les secondes ne correspondent à aucun caractère particulier, mais sont différentes d'un individu à l'autre. Ce sont elles qui définissent notre « carte d'identité » génétique. Les polymorphismes de l'ADN peuvent être utilisés comme test d'identification génétique. Leur utilisation dans le domaine pénal (identification de cadavre, viol...) demande la connaissance de la répartition de ces caractères polymorphes dans la population. Par exemple, un caractère polymorphe rare dans une région peut être fréquent dans une autre. Les services scientifiques associés à la police souhaitent donc connaître la répartition de ces caractères polymorphes dans des populations particulières. Dans notre pays, s'il est assez facile d'avoir une idée de la répartition de ces caractères dans les populations régionales, le problème des territoires d'outre-mer (Antilles par exemple) ou des groupes d'immigrants (Maghreb...) est beaucoup plus délicat. Diagnostiquer des maladies génétiques L'analyse de l'ADN a bouleversé la biologie moléculaire en permettant de localiser précisément le gène responsable d'une maladie sur un segment du chromosome. Et dans certains cas, d'isoler et de caractériser ce gène pour identifier la protéine (myopathie, mucoviscidose). Ces opérations reposent sur de vastes études familiales et sont utilisées en général pour les diagnostics demandés par les familles, afin de connaître les sujets porteurs sains du gène muté (en particulier dans les maladies liées au sexe), et pour, éventuellement, permettre un diagnostic prénatal. Ces études génétiques familiales et ces banques sont donc indispensables, car même lorsque le gène est connu, la même maladie peut résulter d'un grand nombre de mutations et il faut connaître les mutations dans chaque famille, offrir les meilleures possibilités de diagnostic. Ces informations familiales comportent par ailleurs des renseignements sur les filiations (légitimes ou illégitimes). Dépister des maladies à risques D'autres recherches sont orientées vers les maladies neuro-psychiatriques (schizophrénie, maladie maniaco-dépressive, maladie d'Alzheimer...), les cancers, les maladies cardio-vasculaires, les maladies auto-immunes. Les recherches tentent de découvrir des facteurs moléculaires de risque génétique, de les localiser et de les identifier. Grâce à ces « gènes de susceptibilité », il serait possible de déterminer des groupes de sujets à risque accru et, dans ces groupes, mettre en évidence d'autres facteurs favorisants (génétiques ou environnementaux). Une conduite préventive pourrait, après une appréciation de sa valeur, être éventuellement envisagée. C'est quoi, déjà, l'ADN ? L'acide désoxyribonucléique, principal constituant des chromosomes, est le support de l'information génétique et de sa transmission au cours des générations (hérédité). Les molécules d'ADN — les plus grosses du monde vivant —s'étirent en un très long fil, constitué d'un enchaînement (séquence) précis d'unités. Quatre types de molécules composent ce fil d'ADN : adénine, cytosine, guanine et thymine, représentées respectivement par les lettres A, C, G et T. L'ordre dans lequel ces 4 lettres sont enchaînées forme un code génétique.