Les effets de la mondialisation sont perçus comme une altération de l'identité islamique par les gardiens de la pureté originelle. A cet égard, nous quitterons la scène algérienne pour tourner le regard vers d'autres horizons où l'élément islamique est impliqué. Par exemple, le récent débat en France autour du centenaire de la loi dite de séparation de l'Eglise et de l'Etat a fait surgir la thèse de l'« incompatibilité » irréductible de l'Islam avec la laïcité. Le débat a été d'autant plus houleux qu'entre autres arguments, certains doctrinaires islamistes ont avancé que la Cité doit être gouvernée selon les préceptes coraniques et l'enseignement prophétique partout et tout le temps. Cette question a longtemps été le point d'achoppement dans les relations entre des musulmans occidentaux et leurs concitoyens. Elle constitue un des points d'incompréhension les plus aigus entre les deux parties. Alors qu'une laïcité bien comprise permet la rencontre des idées et des doctrines. Elle assoit les forums pour des débats publics sereins, objectifs et constructifs. La laïcité est la catalyse de l'alchimie du mieux-vivre ensemble. Encore faut-il pouvoir mener ces débats avec intelligence et compétence. Malheureusement un manque dans ce domaine s'est fait sentir. Il est dû à la carence des intellectuels musulmans qui aspirent aux prises de paroles publiques sur ce sujet. Mais cette vacance du terrain s'explique par la texture du tissu social des musulmans en Europe. En réalité, la communauté musulmane y est en mutation et en recherche. Sans verser dans la victimisation ni dans le misérabilisme, elle est désemparée et se sent à la dérive. Elle est perçue, à des degrés divers, comme allogène et adventice aux corps nationaux, le plus souvent traitée en termes d'extériorité, corroborés par la fameuse opposition entre « Européens » et « musulmans », alimentés aussi, il est vrai, par les citoyens musulmans eux-mêmes. La nouveauté étrange réside dans le glissement sémantique qui – en langue française par exemple – d'« immigrés » fait passer à « musulmans » via « Arabes » et « beurs ». Cet état de fait où l'on ethnicise en confessionnalisant est avalisé par l'usage de plus en plus fréquent d'un vocabulaire imprécis et inapproprié parlant de « préfet musulman » ou de « suspect de type musulman ! » Loin d'être ce bloc monolithique ou cette masse unifiée, la communauté musulmane en Europe est travaillée par de forts courants contradictoires, des plus sécularisés, de loin les plus nombreux, jusqu'aux plus fondamentalistes. Composite, plurielle et diversifiée, son tissu social n'est pas harmonisé, en ce sens qu'elle est constituée grosso modo de deux entités totalement disjointes, à savoir un pôle minoritaire qui n'est pas, bien sûr, concerné par les projecteurs des médias, mais qui, tout de même, existe et nous devons en tenir compte pour que la grille de lecture sociétale soit complète et déployée dans toute sa rigueur intellectuelle. Il s'agit de musulmans, la plupart de souche arabe, avec le même accent rocailleux qui les caractérise. Leur progéniture fréquente les grands lycées, ou bien elle est inscrite à l'école des Roches, quand elle n'étudie pas dans les prestigieux collèges européens. Ils ne sont jamais soupçonnés de radicalisme, jamais ils ne seront qualifiés d'islamo-délinquants, on ne négocie rien avec eux. Mieux encore, avec une obséquiosité servile, quand ce n'est pas une duplicité hypocrite, on leur fait des courbettes, car ils sauvent le marché des yearlings à Deauville ou celui des pouliches à Longchamp. Les maisons de haute couture réservent des défilés privés à leurs épouses ou à leurs concubines. Ils soutiennent l'emploi dans les palaces parisiens qu'ils soient propriétaires ou clients consommateurs. Le gotha se bouscule dans leurs manoirs et la jet-set sur leurs yachts. Bien entendu ceux-là ne nous intéressent pas dans le débat actuel et eux-mêmes se désolidarisent d'avec leurs coreligionnaires qui sont objet de toutes les focalisations. C'est ce que nous verrons dans la prochaine chronique… (A suivre) L'auteur est Président de la Conférence mondiale des religions pour la paix