Plus de seize années après la promulgation de la loi sur la monnaie et le crédit, l'Algérie ne dispose toujours pas de l'authentique marché du change que la Banque d'Algérie devait mettre en place. Le marché interbancaire de change qui fait actuellement figure n'est en réalité qu'un espace artificiel créé par voie administrative par la Banque d'Algérie auquel il est du reste totalement assujetti aussi bien pour son encadrement que pour les cotations périodiques de devises. Ces dernières étant fixées au gré des allocations en devises qui lui sont allouées par la Banque d'Algérie, seule habilitée par la loi à les détenir, la valeur des monnaies étrangères par rapport au dinar, ne reflétera pas la réalité de l'économie algérienne dans son ensemble, mais beaucoup plus partielle et partiale, que lui imprègne ce comité restreint d'opérateurs de change. Les taux de change qui en émanent sont, de ce fait, très éloignés des réalités économiques et financières du pays, avec lesquelles ils n'embrayent pas du tout. La logique voudrait en effet, que la valeur d'une monnaie traduise l'état des lieux d'un pays et que, par conséquence, mieux ce pays se porte économiquement, mieux devrait se porter sa monnaie. Fidèle reflet de la santé économique d'un pays, la dépréciation de sa monnaie, notamment lorsqu'elle est continue, constitue pour les économistes un symptôme évident de malaise économique. Ce lien de causalité quasi universel n'a, malheureusement, pas cours en Algérie où l'on constate que mieux l'économie se porte et plus se fragilise sa monnaie. Un examen rétrospectif des taux de change pratiqués au cours de ces quinze dernières années, permet en effet de constater que le dinar était mieux coté dans la décennie 1990, période durant laquelle notre pays se débattait pourtant dans de très graves problèmes socioéconomiques, qu'au cours de ces dernières années d'embellie financière. A titre d'exemple le dollar qui valait à peine 60 dinars en 1997, année où l'Algérie était en proie à une terrible crise de trésorerie et d'endettement, vaut aujourd'hui 76 dinars en moyenne, alors que le pays n'a pratiquement plus de dette extérieure et dispose ,de surcroît, d'une réserve de change estimée à plus 90 milliards de dollars. Une amélioration aussi significative des indicateurs macro-économiques aurait dû, au minimum, empêché le dinar de glisser, ce qu'à l'évidence, le marché inter bancaire du change, mû par d'autres considérations que les lois du marché, n'a même pas pu éviter. Pour quelles raisons, la Banque d'Algérie tient elle à maintenir le dinar en situation de faiblesse, autrement dit, à le sous coter par rapport aux devises et notamment les plus fortes d'entre elles, l'euro et le dollar. La principale raison que la Banque Centrale algérienne semble appliquer comme un dogme, a trait à la politique monétaire imposée par le Fonds Monétaire International à la faveur des ajustements structurels de 1995, recommandant entre autres à l'Algérie un dinar faible pour inciter les sociétés étrangères à investir en Algérie, stimuler les exportations hors hydrocarbures et doper le budget de l'Etat par simple conversion des recettes d'hydrocarbures libellées en dollars, monnaie locale .Le maintien du dinar à un niveau bas s'explique en outre par l'endettement colossal du Trésor vis à vis de la Banque d'Algérie (environ 1800 milliards de dinars en 2006) qu'un redressement du dinar risquerait d'alourdir et par la crainte, pas du tout fondée, qu'un dinar fort exacerbe les importations et pénalise les exportations qui, faut il le rappeler, sont aujourd'hui très faibles (moins de un milliard de dollar), en dépit d'un dinar très faible. D'où son maintien d'autorité, à un niveau exagérément bas en total déphasage par rapport aux nouvelles donnes de l'économie algérienne, autrement plus positives que celles des années de crise. Un constat que partage du reste le FMI, qui du reste, n'est pas du tout responsable de la politique de change actuelle. L'absence de marché du change, l'interventionnisme de la Banque d'Algérie et les injonctions des autorités politiques (notamment depuis la révision de la loi sur la monnaie et le crédit) ont fait de la cotation du dinar par rapport aux devises, un acte beaucoup plus administratif qu'économique. La convertibilité n'est pas pour demain C'est cette ingérence de la sphère politique qui a perverti le marché interbancaire du change, au point qu'il n'est reconnu que par les opérateurs qui n'en ont pas d'autres choix, une bonne partie des demandeurs et offreurs de devises, préférant s'adresser au marché parallèle de la devises qui brasserait, selon les estimations, environ 2 milliards d'euros par an. Le marché interbancaire de change, qui existe depuis une dizaine d'années, ne peut évidemment, à lui seul, éradiquer le marché informel. La banque d'Algérie avait en projet un certain nombre d'actions déterminantes pour la mise en place progressive d'un authentique marché du change en Algérie. Sans doute parce qu'elle ne veut pas que ce marché se développe au point de lui échapper, la Banque d'Algérie ne mettra en œuvre aucune de ces actions, à commencer par, les guichets de change courants et à terme, dont la réglementation avait pourtant été promulguée en 1998. Actuellement tout semble être fait pour encourager les demandeurs de devises à s'adresser au marché parallèle (insuffisance des allocations voyage et soins à l'étranger restées au même niveau depuis plus d'une décennie, difficultés pour les entreprises à lever des crédits convertibles auprès de leurs banques, lenteur des transferts etc.). C'est sans doute pour cela, qu'en dépit des coups de boutoirs que leur portent de temps à autres les services de sécurités, les réseaux de change informels, ne sont jamais aussi bien portés qu'aujourd'hui. Les sociétés étrangères en seraient même des clients assidus, selon une information digne de foi. Il est aujourd'hui quasi certain que si les autorités en charge des questions monétaires persistent dans cette manière de gérer les parités du dinar, il est bien évident que notre monnaie n'a aucune chance de se redresser, quand bien même, l'économie du pays enregistrerait, comme c'est actuellement le cas, les meilleures performances de son histoire. Pour que la valeur d'échange du dinar soit effectivement le reflet de la situation économique du pays, il faudrait que la banque d'Algérie rompe avec la logique bureaucratique dans la quelle a enfermé sa cotation et aille résolument vers la mise en place un authentique marché des changes à l'instar de ceux qui existent de par le monde. S'il venait à être constitué ce marché offrirait de nombreux avantages parmi lesquels on peut citer : la disparition du marché parallèle de la devises avec toutes les nuisances qui le caractérisent, la possibilité pour les entreprises d'acheter ou d'y vendre directement des devises, le raffermissement du dinar du fait d'une plus grande disponibilité des devises sur le marché, attrait de sociétés étrangères etc.) Les autorités politiques (chef du gouvernement) et monétaires (ministre des finances) ayant, malheureusement, déclaré leur ferme intention de maintenir le régime actuel de cotation, il y a, à l'évidence, très peu de chance de voir émerger, à plus ou moins brève échéance, un authentique marché du change en Algérie. La convertibilité automatique du dinar n'est pas pour demain et la seule perspective que ces autorités laissent pour l'instant entrevoir est de stabiliser pour quelques années le taux de change effectif par rapport au dollar. Un objectif facile à atteindre eu égard à la dépréciation qui affecte le billet vert.