A qui profite la vente des entreprises publiques ? Le Conseil des participations de l'Etat (CPE), en charge d'arrêter et de suivre la stratégie de privatisation, n'est pas capable de répondre. Ou peut-être ne veut pas répondre. Lundi 29 octobre, le CPE, présidé par le chef du gouvernement, a annoncé six opérations de privatisation concernant, entre autres, trois briqueteries. La mécanique du CPE est toujours la même : il annonce la cession totale d'actifs des entreprises étatiques et se contente de préciser les noms de ces entités. Sans plus. En matière de communication, on ne peut pas faire pire. Le CPE ne précise pas l'identité des acquéreurs de ces entreprises. Sont-ils des nationaux ? Des étrangers ? Quel est leur poids financier ? Le CPE ne communique pas les montants réels des opérations de vente. Il ne dit rien sur les conditions dans lesquelles les négociations se sont déroulées. Il n'indique pas sur quelle base et sur quels critères les acheteurs ont été sélectionnés. Pas un mot sur les offres faites par les uns et les autres. En termes simples, le CPE pratique l'opacité totale sur des opérations importantes qui concernent le bien public. Il le fait d'une manière délibérée parce qu'il n'existe aucune raison pour ne pas informer les citoyens sur les détails du processus lié à la privatisation. Sauf à cacher des vérités gênantes. Aussi, toutes les interprétations sont possibles : l'Etat est-il en train de brader les entreprises publiques ? Existe-t-il un cercle fermé des repreneurs ? Y a-t-il des partenaires étrangers plus privilégiés que d'autres ? Est-ce que les actes relatifs à la cession d'actifs sont propres ? Parfois, les employés des entreprises vendues ne sont même pas tenus au courant de la privatisation de leur outil de travail. Ce qui est un comble. En charge du « secrétariat » du CPE, le ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements, un département qui change d'appellation à chaque remaniement du gouvernement, ne fait pas mieux. Le ministre Abdelhamid Temmar parle presque régulièrement de la privatisation sans dire grand-chose. Il est vrai qu'un effort a été fait de publier sur le site internet du ministère un annuaire des entreprises à privatiser avec des détails sur les effectifs et les bilans financiers. Mais un simple coup d'œil renseigne que ces données ne sont pas réactualisées. Preuve en est : le chiffre d'affaires de la plupart des entités répertoriées remonte à 2003 ou 2004. Publier des chiffres dépassés ne peut pas être un moyen efficace de persuader un éventuel partenaire ou acheteur à s'intéresser à l'offre de vente. A Paris, où il était en visite cette semaine, Abdelhamid Temmar a annoncé que la privatisation se fait « au rythme de 100 à 200 entreprises par an ». Au-delà du grand écart entre les deux chiffres, chaque responsable, au gré des tendances du moment, annonce des données ou des prévisions sur cette opération avec des dates et des délais qui ne sont jamais respectés. En la matière, Temmar possède un palmarès éloquent. L'ambiguïté qui entoure l'ouverture du capital de la banque CPA et d'Algérie Télécom témoigne, elle, que la décision économique échappe complètement aux normes universelles. D'où les doutes qui pèsent sur tous les actes liés à la privatisation. Seule la transparence neutralise la confusion.