Depuis longtemps, Peter Berg rêvait de faire un film sur l'attentat des tours Khobar, survenu en Arabie Saoudite il y a 11 ans : le 25 juin 1996, la branche armée locale du Hezbollah fit exploser devant ces tours à Dharhan un camion plein de fioul. Bilan : 19 Américains tués, 372 personnes blessés. Cet acte terroriste constitua l'une des attaques antiaméricaines les plus violentes jamais perpétrées dans la région. Il porta aussi un coup très dur aux Saoudiens, et amena le FBI à collaborer pour la première fois avec les autorités locales en vue d'identifier les coupables", explique Peter Berg. Fasciné par cette enquête délicate et laborieuse, le cinéaste d'habitude davantage tourné vers la réalisation de séries TV, s'est attelé au projet d'un long-métrage d'action destiné afin "d'illustrer cette rencontre entre Américains et Arabes, de montrer les efforts de rapprochements de deux cultures qui ont un intérêt commun à lutter contre l'extrémisme religieux et ses violences". Son film, Le Royaume affiche sans conteste cette volonté de rapprochement. A tel point qu'il sombre parfois dans un excès de mièvrerie embarrassante, rattrapé de justesse par un suspense haletant et des scènes d'actions particulièrement réussis. Riyad, Arabie saoudite. Un attentat des plus sanglants jamais perpétrés contre des Occidentaux fait plus 100 morts et 200 blessés parmi les employés de la société pétrolière Gulf Oasis et leurs familles. Tandis que les bureaucrates de Washington discutent "droit d'ingérence" et "territorialité", l'agent du FBI Ronald Fleury (Jamie Foxx) et les membres de sa section d'intervention négocient un discret voyage de cinq jours pour identifier le cerveau de l'attentat. L'équipe comprend un spécialiste en explosifs, le dur à cuire Grant Skyes (Chris Cooper), un agent des renseignements, le clown de service Adam Leavitt (Jason Bateman) et un médecin légiste, la superbe Janet Mayes (Jennifer Garner, fidèle à son rôle fétiche dans la série Alias) Dès leur arrivée dans le royaume wahhabite, Fleury et son équipe sont confrontés à l'hostilité des Saoudiens, qui prétendent mener seuls l'enquête. Entravés par un protocole tatillon et pressés par le temps, les quatre agents comprennent qu'ils doivent gagner au plus tôt la confiance de leurs homologues saoudiens, aussi décidés qu'eux à retrouver les terroristes. Fleury trouve un interlocuteur de bonne volonté : le colonel Al-Ghazi (Ashraf Barhom), leur "ange gardien", chargé de les aider mais aussi de les surveiller. Al-Ghazi assiste l'équipe dans ses investigations et facilite leurs négociations avec les autorités locales. U nissant leurs efforts, le flic arabe et le flic américain découvrent que l'attentat préfigure une série d'attaques imminentes et de grande envergure. Dans leur enquête, les deux hommes et l'équipe du FBI sont eux-mêmes devenus la cible d'une mystérieuse cellule extrémiste. Depuis quelques temps, Hollywood a découvert les bienfaits du film politique, celui qui évoque l'Etat du monde et fait réfléchir les citoyens sur les méandres de la géopolitique mondiale. Tant mieux. A première vue, on pourrait croire que le film de Peter Berg est de cette trempe-là : un sujet brûlant, un attentat perpétré en Arabie saoudite contre des Occidentaux, avec un véritable point de vue et la promesse de dévoiler aux spectateurs ce royaume saoudien, l'un des plus secrets au monde, et d'expliquer les subtilités des relations entre l'Amérique et son plus grand allié au Moyen-Orient. Comme le dit le réalisateur lui-même, "Le Royaume" est "politiquement neutre" : il "ne vise qu'à montrer que des Américains et des Arabes peuvent coopérer de façon décente et humaine". Mais à force de souligner le rapprochement possible entre peuples ennemis, le film se noie dans le manichéisme, les bons sentiments, et évite nous parler de l'essentiel : la situation en Arabie saoudite et les rapports ambigus entre Riyad et Washington... Ce qu'il en reste, c'est de l'action, de l'action, de l'action. Mais de la bonne. Visiblement inspiré par la série "24 heures chrono" et épaulé par son célèbre producteur-réalisateur Michael Mann ("Heat", "Collateral"), Peter Berg offre des séquences de raids et de courses poursuites très efficaces, menés à un rythme effréné par des acteurs crédibles. Du coup, l'intrigue suit son cours et entraîne le spectateur. On n'est guère dupe : au lieu du film politique destiné à faire sens, on ne suit qu'un film d'action qui fait effet. A sa décharge, Peter Berg a tout de même le mérite de s'être attaqué un sujet difficile et risqué. Certes, il n'évite pas l'écueil de la sensiblerie et de la moralisation naïve, mais il parle des Américains et des Arabes et évoque nommément l'Arabie saoudite dans un film hollywoodien à gros budget, et cela relève déjà d'une avancée majeure.