Destination qu'on pourrait étiqueter de luxe, car ouverte essentiellement aux jeunes diplômés, le Canada est aussi traversé par des turbulences contre les flux d'immigration. Les ghettos développés par le multiculturalisme au fondement même du pays tisonnent de nouveaux modes d'incommunication envers les diasporas reçues. Au point de déclencher un vaste débat de société. De nombreux articles et émissions des médias audiovisuels ont rendu compte ces derniers temps des tensions en cours. Avec la tentation de les inscrire dans le fameux « choc des civilisations. » Un reportage d'un quotidien français y va carrément d'un titre fracassant : « Le Québec a peur de perdre son âme. » Jusqu'aux petites vielles du pays, la tendance est d'adopter, comme dans un exorcisme, des « codes de bonne conduite » impartis en gage de tolérance à vivre avec les populations blanches d'origines française, ou anglo-saxonne. La municipalité d'un village de 1 300 habitants a adopté un « code de conduite » à l'intention des immigrants « interdisant le port de la burqa et l'excision, mais aussi la lapidation et l'immolation par le feu ! » De septembre dernier à la fin novembre, sous les auspices d'une commission ad hoc a été orchestré une large et profonde consultation avec les citoyens de sorte à sérier les moyens de faire face – sinon trouver des « accommodements », comme dit officiellement – aux turbulences multiples produites par des « dérives » ethnoculturelles et religieuses drainées par les minorités culturelles issues de l'immigration. En les size régions du Québec ont été organisées des journées d'information, des présentations de mémoire ou de témoignages. L'objectif est d'en recenser l'argumentation à même d'élaborer un rapport de la commission de consultation co-présidée par un philosophe et un historien. Comme nulle part ailleurs dans le monde le droit à la communication, par la presse écrite, audiovisuelle et électronique, est clairement et fermement reconnu à aux composantes de la population. A travers ces médias ressortent avec éclat les dimensions prises par la « thérapie collective » impulsée par les pouvoirs publics : xénophobie et ignorance des cultures d'origine des minorités s'y étalent avec choc. Au point que le Premier ministre a exprimé ses inquiétudes « pour la réputation internationale de la province francophone canadienne », réceptrice davantage des courants migratoires. Des voix de Québécois « de souche » commencent à se solidariser avec la vague d'intolérance. La lame de fond des discours converge à « réaffirmer le caractère français et catholique du Québec ». Cette ligne de tension indique les tiraillements entre les besoins accrus de la société québécoise en besoins démographiques et les nécessaires « accommodements » à consentir aux porteurs d'une multitude de traditions. A un débat télévisé un citoyen « de souche » – parce sentant que le Québec « n'a pas une identité forte » - a affirmé : « J'ai peur qu'on ne protège pas assez ma langue, ma culture et mes droits. » Ressortent aussi des faits spectaculaires des dérives ouvertes par le laisser faire du multiculturalisme. Deux évènements ont été pointés. La Cour suprême du Canada a autorisé un jeune sikh de porter à l'école son kirpan (petit poignard), alors qu'elle l'interdit dans ses propres locaux. Autre cas d' « arrangement concerté » imposé par la Cour suprême. Le directeur d'un centre sportif de Montréal a consenti à rendre opaques les baies vitrées d'une salle donnant sur une école juive orthodoxe, dans le but de préserver de leur vue des femmes en tenue de sport. Un prêtre et président d'une association de scouts se prononce pour une « laïcité ouverte », où les paroisses et l'Etat travaillent en « partenariat » dans le cadre d'une autonomie réciproque : On ne peut pas exclure les communautés religieuses de l'espace public ». Entre le multiculturalisme à l'anglo-saxonne et la laïcité à la française, le Québec cherche une troisième voie. La large communication politique que ses gouvernants ont instaurée témoigne en tout cas de la vigueur d'une démocratie avancée.