La capitale d'un pays représente ses citoyens, et sa réputation fait celle de ses habitants. La mode et la Tour Eiffel pour Paris, l'amour et les gondoles pour Venise, la Cité interdite et le temple du Ciel pour Pékin, Al Azhar et l'architecture islamique pour Le Caire... et les exemples sont légion. Naguère appelée La Blanche, Alger d'aujourd'hui n'a plus droit de cité. Après la saleté et tous les détritus qui jonchent les rues, ce sont les rats qui envahissent Alger. Jadis, ce mammifère vivait dans les égouts et ne sortait que la nuit craignant la lumière et le brouhaha des gens. Aujourd'hui, il se faufile dans les ruelles et les boulevards, en plein jour, bousculant les « mœurs » des Algérois. Et s'il se sent menacé, il peut devenir très agressif et n'hésite pas à attaquer. C'est le cas d'un bébé qui a été récemment mordu à la joue par un rat dans un quartier de Belouizdad. Et lorsque l'on sait qu'il peut être porteur de maladies, la frayeur est suffisante. Dans cette localité, les rats grouillent aux portes des maisons. « Je suis obligée, avant de rejoindre mon poste de travail, de boucher la moindre ouverture au risque de trouver un rat chez moi en rentrant », dira une locataire de la rue Abderrahmane Touimer (ex-rue de la Paix). Et d'ajouter : « La nuit, c'est infernal. Ils s'approprient la cour et la rue. J'ai vraiment peur pour mon enfant. Nous vivons sur le qui-vive. » Idem à Bab El Oued. Les rats, vivant en communauté, ont carrément envahi les toits des maisons. En effet, dans ce vieux quartier, on peut les apercevoir par centaines. D'ailleurs, comble de l'ironie, ils étaient l'attraction des invitées — quelque peu effrayées — lors d'une fête organisée sur la terrasse d'un immeuble, ravissant la vedette à la mariée. A Sorécal (Bab Ezzouar), ils grimpent les escaliers pour se faufiler dans les appartements. Une locataire, logeant au 9e étage, a eu la désagréable surprise d'un de ces visiteurs. Néanmoins, même les quartiers huppés ne sont pas épargnés par ce phénomène. A El Biar, les rongeurs sortent des sanitaires ou des bouches d'évacuation des eaux usées. « Habitant au rez-de-chaussée de la maison familiale, je leste toujours la bouche d'évacuation de la cour et celle des toilettes pour éviter qu'un rongeur ne sorte », dira une mère de famille habitant le quartier chic de la place Kennedy.Par ailleurs, toutes les méthodes des citoyens pour venir à bout de ce mammifère n'ont pas été efficaces.« Grâce à la solidarité des voisins pour mettre un terme à ce phénomène, nous avons acheté toutes sortes de mort-aux-rats. Rien n'y fit. C'est à se demander si ces préparations empoisonnées ne les engraissent pas plutôt », dira un septuagénaire dépité. Pour ce qui est des campagnes de dératisation, il y a belle lurette qu'elles n'ont pas été menées dans la capitale. Sachant que les rats sont très prolifiques — une femelle peut avoir jusqu'à 12 portées par an, soit une par mois, et donne en moyenne 9 ratons à chacune d'elles —, il est facile d'imaginer la prolifération de ce rongeur dans la capitale et ses banlieues. Il semble que toutes les APC de la wilaya d'Alger, préoccupées par d'autres problèmes, entre autres celui du logement qui n'en est pas un pour les mursulots, ont occulté ce phénomène. Actuellement, les élections occupent leur champ d'action et aucun interlocuteur n'est apte à donner un quelconque renseignement à ce sujet. Si le rat noir a envahi l'Europe au XIIIe siècle en propageant la peste, 8 siècles plus tard, c'est Alger qui risque de connaître le même sort. Quel triste constat !