Les sucs et les saveurs de l'argent font éclore des vocations aussi impromptues que fugaces. Ils font même pousser des ailes. L'arôme suave des billets de banque enivre plus d'un négociant. Dès lors, on puise avec avidité dans le vaste registre des entourloupes pour apaiser un inaltérable besoin de posséder. Que dire par exemple de tous ces commerçants qui émigrent brutalement au royaume de la « zlabia » ? Cette reconversion burlesque et inopinée sonne comme un désopilant vaudeville. Une récidive pieusement usinée et lubrifiée par ceux qui savent toujours rajouter une corde à leur arc. L'occasion fait le larron, et à cœur vaillant rien d'impossible. Dans cette foire d'empoigne, tout est affaire d'aubaine. On fugue et on passe d'un métier à l'autre sans trop chauffer la matière grise. Il suffit de vouloir pour pouvoir. Le lecteur pardonnera l'impasse faite à propos de tous ces étals de fortune qui prospèrent en notre bonne ville. Il n'est pas rare aussi de constater qu'un magasin dûment agréé se transforme et change d'activité à la vitesse de l'éclair. Cette migration inopportune s'effectue presque sous l'œil bienveillant, pusillanime et permissif de la force publique. Elle observe le manège du haut d'un piédestal fait d'indifférence, voire de tolérance. Il y a très certainement d'autres chats à fouetter. N'empêche qu'un contrôle rigoureux des métiers, des professions et des activités ne peut que faire du bien. Une « feuille de route » qui fixe les exigences, les droits et le devoirs, facilite le négoce. Mais les coutumes ont la dent dure et le souffle long. La moindre opportunité est saisie au vol pour libérer des talents insoupçonnés. La noria des reconversions tous azimuts fonctionne toujours, ajoutant ce petit zeste de désordre supplémentaire qui fait le « charme » de notre commerce.