Elle a tout pour elle. A en rendre « jaune » de jalousie sa voisine du Nord, l'abeille du Tell. Plus résistante (elle s'est adaptée aux écarts de température du désert), l'abeille saharienne est aussi meilleure butineuse puisqu'elle peut parcourir jusqu'à 8 km contre 3 pour la tellienne mais elle se distingue par son extrême douceur qui permet aux apiculteurs de travailler les ruches sans protection particulière. Malheureusement, l'Apis mellifera sahariensis est en voie de disparition. Les ingénieurs de l'Institut technique des élevages, à Birtouta, ont donc entrepris une opération de sauvetage et de multiplication de l'espèce. « La première mission remonte à 2003 », explique Djamel Nekkab, chef du département « appui aux producteurs ». « Des ingénieurs sont partis à sa recherche du côté de Aïn Sefra, dans le Sud de l'Oranie. » Grâce aux descriptions laissées par le père Adam, un moine britannique, on sait qu'une abeille à la robe jaune orangée tirant sur la brun, différente de celle du Nord, existait en effectifs importants dans cette région, et, plus loin encore, du côté de Laghouat. « Mais quand nous sommes arrivés sur place, raconte Nasser Eddine Chenane, ingénieur en apiculture, c'était un peu l'Arlésienne. Tout le monde en parlait mais personne ne l'avait vue », Amar Khenfer son collègue poursuit : « Il faut dire que la destruction de l'espèce remonte à l'époque coloniale. Des chasseurs d'abeilles partaient en montagne, son milieu naturel, pour ramener les reines aux apiculteurs. Elle a aussi été décimée par les campagnes de lutte antiacridienne de 1965, 1987 et 2003. » Aujourd'hui, les ingénieurs ont réussi à reconstituer un noyau intéressant grâce à quelques individus placés dans des ruchers modernes. La production de miel a donné des résultats intéressants. Et les scientifiques ont aussi découvert que la précieuse abeille fabriquait une cire résistante à la chaleur. « Notre objectif est de la multiplier et de la remettre dans son berceau naturel : Béchar et Naâma », poursuivent les ingénieurs. Plus tard, un rucher sera mis en place pour distribuer des abeilles sahariennes aux apiculteurs qui souhaitent travailler cette espèce. « On organisera aussi des séances de formation pour les professionnels, précise Djamel Nekkab. Le ministère de l'Agriculture nous a accordé un financement les autorités agricoles locales sont aussi intéressées et on travaille déjà en collaboration avec l'Association nationale des éleveurs de reines et l'université de Boumerdès. » Enfin, le programme de préservation prévoit aussi de soumettre l'abeille saharienne à des analyses ADN qui permettront de mieux connaître son patrimoine génétique et d'effectuer des croisements pour améliorer l'espèce du Tell.