Coup de théâtre dans l'opération de privatisation du Crédit populaire d'Algérie (CPA). Contre toute attente, le ministère des Finances a annoncé hier sa décision de « surseoir » à l'opération de privatisation de cette banque, dans un communiqué diffusé par l'APS. Le ministère souligne que l'ouverture des plis programmée pour demain est annulée, « en attendant une meilleure visibilité sur les marchés financiers internationaux ». Le ministère indique qu'il a choisi de temporiser afin d'avoir une meilleure idée sur « l'impact non encore évalué de la crise internationale des crédits hypothécaires ». Le communiqué ajoute que l'objectif est de « réunir toutes les conditions d'un transfert de savoir-faire bancaire, technique, commercial et financier au CPA, d'enrichir sa gamme de produits et services, de moderniser ses outils de gestion et de contribuer enfin au développement général de tout le secteur bancaire algérien ». Cette surprenante annonce a laissé perplexe plus d'un sur la place bancaire algérienne. Certaines sources qualifient cette décision de « petit séisme ». « C'est une décision souveraine de l'Algérie, mais elle sera lourde de conséquences », affirme l'une d'entre elles. Pour cet interlocuteur, il se peut que ce soient les banques candidates qui aient demandé une période de réflexion afin d'évaluer de façon précise les retombées de la crise dite de subprimes sur leurs situations et résultats financiers. Le gouvernement algérien aurait quant à lui « préféré prendre des précautions » pour s'assurer que les banques intéressées par l'ouverture du capital du CPA n'ont pas été totalement mises à mal par la crise des subprimes. « La crise des crédits hypothécaires survenue aux Etats-Unis est très importante et les marchés financiers ont disséminé de mauvaises créances. Les nouvelles techniques de banque telles que la titrisation permettent de transformer des crédits en titres qui sont mis sur le marché. Ces titres sont vendus sur les marchés financiers à d'autres établissements financiers et si la banque qui a accordé les crédits n'est pas remboursée par ses clients, ces titres se transforment en créances non performantes. Dans le cas de cette crise, le nombre de ces titres est très important et plusieurs banques ont été touchées de plein fouet dont les banques candidates pour la reprise du CPA », explique un banquier. El Hachemi Siagh, expert en finances, a déclaré à El Watan que la crise actuelle des subprimes comporte un effet de « propagation dans le monde ». Nombre de banques n'ont pas été épargnées par cette crise. Les banques qui ont racheté les fameux titres subissent donc une chute de la valeur de leurs actions qui se répercutera probablement sur leurs bénéfices, signale-t-on. S'il est vrai que les banques centrales des pays dont les marchés financiers ont été touchés par cette crise ont réussi à l'amortir, il n'en demeure pas moins que les conséquences vont se faire ressentir au fur et à mesure, car on n'est pas encore sûr que tous les titres aient été remboursés. « Les banques auront à puiser dans leurs bénéfices pour provisionner ces crédits non performants. Il reste à savoir si leur niveau de provisionnement est suffisant », commente un autre analyste pour qui l'effet psychologique de la crise des crédits hypothécaires est plus important que l'effet financier dont on ignore encore l'ampleur réelle. Des observateurs regardent d'un mauvais œil la décision en s'interrogeant « si ce n'est pas une précaution démesurée ». « La réussite de l'opération de privatisation du CPA devait hisser la place financière algérienne au niveau international. Il s'agit de la conclusion d'un partenariat international pour une banque nationale. Ç'aurait été un signal fort aux investisseurs étrangers tous secteurs confondus. Il ne faut pas qu'un excès de prudence brise un élan d'ouverture salutaire », avertit notre interlocuteur.