La pluie sera le redoutable ennemi des propagandistes du « vote massif » le 29 novembre 2007, jour du scrutin pour le renouvellement des assemblées locales. La météo annonce pour ce jeudi des averses orageuses sur une grande partie du territoire national. Les citoyens — cela se comprend — n'iront pas voter alors que les maisons, les quartiers, les rues et les routes sont envahis par l'eau. Il y a l'empêchement physique de se déplacer. Il y a également la colère. Les Algériens sont choqués de redécouvrir que les autorités ont encore une fois failli dans la gestion des crises et n'ont pas du tout retenu la leçon de Bab El Oued 2001. On peut déjà prévoir que les intempéries seront la principale cause « officielle » de la faiblesse de la participation aux élections locales. Même si ces élections ont un caractère de proximité, beaucoup d'indices annoncent déjà une affluence modeste vers les bureaux de vote. Le syndrome du 17 mai (abstention record aux élections législatives) est toujours présent. Cela peut expliquer que des partis membres de l'Alliance présidentielle, comme le RND et le MSP, ont adopté un ton critique. Ahmed Ouyahia, ex-chef du gouvernement et chef du RND, s'est défendu d'être dans « l'opposition ». Mais le discours qu'il a tenu durant les trois semaines de la campagne plaide plutôt pour le contraire. « On ne peut pas avoir 1000 milliards de dinars dormant dans les caisses alors que nous avons des chômeurs », a-t-il dit dans son dernier meeting à Alger. Qui est responsable de cette situation ? Ahmed Ouyahia ne l'a pas dit. Comme il n'a pas expliqué pour quelle raison il a affirmé que des « politiques économiques aux objectifs inavoués » tendent à « affaiblir le pays ». Le RND n'est-il pas comptable des ratés du gouvernement dont il fait partie ? Question à reconduire pour le MSP qui a pris la même allure du mécontent. Bouguerra Soltani, chef du MSP, est ministre d'Etat, donc membre du gouvernement de Abdelaziz Belkhadem. A-t-il été brimé à l'intérieur de l'Exécutif pour se « lâcher » dans les meetings électoraux pour dire ce qu'il pense de la gouvernance actuelle ? Comme un opposant, il a dénoncé la corruption, « les agissements de l'Administration » qui a rejeté des listes des candidats et les prérogatives limitées des élus locaux. Il a même critiqué la gestion des gouvernements qui se sont succédé, parlant même de « bricolage et de fausses promesses ». Le MSP, ex-Hamas, a fait partie, depuis au moins dix ans, de toutes les « coalitions » gouvernementales. N'est-il pas concerné par cette mauvaise gestion ? Mais le MSP, qui n'a arraché que 19 communes lors des locales de 2002, veut surtout convaincre par un discours critique. Il en est de même pour le RND qui a été le principal perdant des locales de 2002, après avoir été premier au lendemain du scrutin de 1997 avec 55% des APC. Le patron du RND a plaidé pour « élargir » les prérogatives des présidents d'APC. Lorsqu'il était chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia avait toutes les possibilités de proposer un amendement du code communal et de wilaya. Il ne l'a pas fait. La promesse de revoir ce texte, faite par Noureddine Zerhouni, ministre de l'Intérieur, traîne depuis sept ans. Survolant les problèmes locaux liés notamment à la mainmise de l'administration sur les élus, Abdelaziz Belkhadem, premier responsable du FLN, lui, a repris le discours romantique de l'ex-parti unique. Exemple ? « Les usines, les universités et l'autoroute Est-Ouest, c'est grâce au FLN », a-t-il dit. Belkhadem en est toujours à penser que les jeunes Algériens « peuvent reprendre le flambeau ». C'est presque dit en langue d'acier. Peu de mots vrais ont été dits à propos des jeunes harraga qui prennent le large sans vouloir jouir des « lumières célestes » de ce fameux flambeau ! Plaidant d'une manière mécanique pour un troisième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, Belkhadem aura réduit le président de la République au statut d'un maire d'une commune géante. La campagne pour les locales était-elle la meilleure opportunité pour « banaliser » le projet d'un autre mandat pour le chef de l'Etat alors que la Constitution ne l'autorise toujours pas ? Le RND a réagi hier bien après la fin de la campagne électorale pour dénoncer « l'instrumentalisation de l'image du président de la République ». Le parti d'Ahmed Ouyahia a rappelé que la révision de la Constitution relève « des prérogatives exclusives du chef de l'Etat ». Le Front national algérien (FNA) de Moussa Touati, devenu visible durant cette campagne, a développé, lui, le discours contre... les partis. Des attaques ont été lancées contre le Parti des travailleurs (PT), contre le FFS, le RCD, le FLN, le MSP, le RND... Moussa Touati a dit que le FNA était porteur d'un autre message, presque « original ». Le FNA, qui a géré 26 communes, a plaidé pour le « renforcement des mécanismes de contrôle en matière de gestion des deniers de l'Etat ». Mais le FNA, comme les autres partis, n'a pas établi un bilan public de la gestion des APC. Le RCD et le FFS ont, pour la première fois, dénoncé « le régionalisme ». Saïd Sadi a même parlé de « régionalisme d'Etat » et de volonté d'« irakiser l'Algérie ». « L'administration a voulu supprimer sans motif valable beaucoup de nos candidats dans les régions arabophones pour nous coller l'étiquette de parti régionaliste », a déclaré Karim Tabbou, premier secrétaire du FFS. Ces accusations n'ont suscité aucune réaction officielle. Ni Karim Tabbou ni Saïd Sadi n'ont dit clairement qui veut utiliser la carte du régionalisme et à quelle fin. Les prises de parole de Louisa Hanoune n'ont pas échappé à la charge idéologique antilibérale. Il y avait peu de politique dans le discours de la responsable du PT. Louisa Hanoune n'a pas raté l'occasion de saluer le gel de la privatisation de la banque CPA. Virant quelque peu à droite, Ahmed Ouyahia a été le seul à répliquer à Louisa Hanoune et à faire la réclame pour la privatisation. Les autres formations, comme El Islah, Ennahda ou le PST, n'ont pas marqué la campagne par des coups d'éclat ou des phrases qui peuvent être retenues. Les deux partis que Abdallah Djabballah a eu à gérer semblent ne pas se remettre des cassures internes et le PST a du mal à rivaliser avec le PT. Pour les autres « petits » partis, la pente paraît difficile à remonter après « le nettoyage » ordonné par le ministère de l'Intérieur au lendemain des législatives de mai 2007. A noter que la campagne a été pauvre en polémique et en déclarations politiques liées à l'actualité immédiate.