Au deuxième jour de la biennale théâtrale de Carthage, les troupes théâtrales tunisiennes volent la vedette à toutes les autres compagnies artistiques participantes en s'emparant de presque tous les espaces dramatiques que compte la capitale. Carthage (Tunisie). De notre envoyé spécial Ala salle Le mondial le public est convié à suivre une satire Mariage factice décrivant les mœurs tunisiennes actuelles. L'œuvre, produite par le Centre national des arts dramatiques et scéniques de la ville de Kef, revisite le thème de l'amour dans une mise en scène qui se veut débridée et moderniste. Ecrite en arabe dialectal tunisien, la pièce tente de poser un regard critique et détaché sur les nouveaux comportements du jeune citoyen tunisien, mais tombe facilement dans le stéréotype « prêt à l'emploi ». Les jeunes comédiens, une bonne dizaine, visiblement mal à l'aise dans leurs corps et maîtrisant mal leur voix, « crient » le texte plutôt que de le jouer. Manquant d'épaisseur dramatique, ils ne parviennent que très rarement à émouvoir le public. La fougue des premières minutes de ce spectacle est vite diluée dans un jeu fragmenté, dispersé dans des redites, des clichés et des lumières à profusion pas toujours justifiées pour expliquer l'atmosphère. Mariage factice de Nadia Ben Ahmed manquait de souffle et de rigueur. Elle lasse vite et laisse peu de place à l'indulgence. A la salle du quatrième art — salle versée à l'art des planches après avoir longtemps servie au septième art — les spectateurs nombreux, il faut le souligner, sont conviés à suivre une adaptation d'Othello, l'unique œuvre écrite en 1601 et non publiée du vivant de l'auteur. Intitulé Etoile du jour, dans une mise en scène de Mohamed Driss directeur des 13es J.T.C, le spectacle à grande distribution, revisite les thèmes de l'amour et du pouvoir dans la société humaine, des sujets chers au dramaturge élisabéthain. Le réalisateur insiste sur le côté immortel du sentiment humain mais tombe, lui aussi, dans l'abus de l'usage de la technique et des emprunts cinématographiques : l'Othello de l'incomparable Orson Welles n'est pas très loin et les lumières et les éclairages à la Visconti sont presque calqués à l'Etoile du jour, version Mohamed Driss. Le texte originel est allégé certes, dépoussiéré diront certains, mais cette ardeur où la chair et l'esprit se battent pour mieux se confondre ne gagne pas pour autant en intensité dramatique, d'autant que les comédiens qu'il met en scène sont nettement en deçà de l'intensité des personnages principaux d'une œuvre comme Othello, Desdémone, Lago, Rodrico et autres Calssio. Il y avait un déséquilibre dans ce spectacle de près de 3 heures où : « La partie tragique n'est rien d'autre qu'une sanglante farce » selon la vie d'un grand critique. La troisième œuvre tunisienne proposée s'est intéressée elle aussi au patrimoine du théâtre universel : cette fois-ci, c'est la cerisaie de l'immense écrivain russe Anton Tchékov. L'œuvre est relue ou plutôt retravaillée à l'identique dans son époque, ses ambiances et ses costumes. On a juste changé le titre pour le remplacer par L'oiseau de Minerve, mais on a pas touché à l'armature de l'auteur de Oncle Vania et les Trois sœurs. L'histoire tourne autour d'une famille aristocratique qui retourne dans son pays d'origine, après une absence de 5 ans passés à Paris, où elle a dilapidé sa fortune et perdu quelques-unes de ses illusions. Le retour à La Cerisaie est difficile et le décalage est énorme entre le pays rêvé et la réalité rencontrée. C'est ce regard qu'a tenté de produire Sabah Bouzouita, dans une mise en scène pratiquement prisonnière de l'atmosphère de la copie originale. Là également, les comédiens font du copier-coller et se bornent à réciter la pièce de TchéKov écrite pour et autour de la passion, au tout début du XXe siècle. Les costumes sont beaux, la musique aussi, mais ça ne suffit pas pour donner un produit esthétique convaincant. TchéKov n'a pas dû être très content lui, le créateur incomparable d'atmosphère.