Elles étaient bien sûr deux amies intimes censées recevoir mutuellement des confidences. Ce qui explique « logiquement » leur raison d'agir, voulant échapper à d'éventuelles représailles familiales, dans l'espoir de continuer simplement à vivre. Comment cela ? Eh bien, vivre en ce cas dans le secret bien gardé d'une grossesse non désirée et malvenue pour l'une d'entre elles, L.F., une divorcée âgée de 25 ans. Hélas pour les deux, leur voyage a tourné au drame. Finalement, elles auront fait tout ce trajet, plus de 1500 km, juste pour que celle qui a été mise enceinte perde la vie, et sa compagne d'infortune, de se retrouver derrière les barreaux ! A peine ayant foulé le sol de Djelfa à la fin de la semaine dernière, elles s'étaient dirigées vers une clinique privée appartenant à une sage-femme sexagénaire, réputée orfèvre sur la place en matière d'avortements, dit-on. Le prix de cette interruption volontaire de grossesse (IVG) ayant été conclu pour 60 000 DA, la sage-femme passa immédiatement à l'acte. Avant cela, elle administra à sa patiente, qui présentait une grossesse de 4 mois, des médicaments spécifiques afin d'accélérer sa délivrance. Selon une source sécuritaire, L.F. s'en était sortie indemne de cette intervention lourde, considérée comme une opération à risque en l'absence d'un gynécologue obstétricien. Quelque temps plus tard, celle-ci dut retourner consulter sa « salvatrice » après avoir éprouvé des malaises causés par une hémorragie utérine. Mais la jeune femme rendit l'âme sitôt arrivée, à l'aube ! Et ce fut la panique générale. Son amie, complètement désemparée et croyant trouver son salut dans une fuite éperdue, quitta l'endroit à toutes enjambées. Elle ne prit la direction du commissariat de police pour avertir de ce qui venait de se produire, qu'une fois le jour levé. Des éléments de la police judiciaire se sont alors rendus sur les lieux de la tragédie et, après avoir forcé la porte d'entrée de la clinique, ont pu découvrir le corps de la victime gisant parterre. La sage-femme aussi bien que l'amie de la défunte ont été présentées au parquet, qui les a placées sous mandat de dépôt. La première est poursuivie pour le double chef d'inculpation, pratique d'une IVG illicite et avortement ayant entraîné la mort. La seconde est poursuivie pour non dénonciation de crime. Quant à L.F., à cause du rejet du statut de mère célibataire, un interdit qui continue à nos jours de conserver le caractère d'un tabou, elle gît depuis jeudi passé dans le cimetière al khadra de Djelfa parce que son père ne voulait plus la « revoir ».