Pour assister au Concerto pour piano de Tchaïkovski, une maman ne s'est pas gênée de faire le déplacement avec son bébé et un biberon. Beaucoup d'éléments du public invité jeudi dernier au TRO pour assister au spectacle de l'Orchestre symphonique national que dirige Amine Kouider ne semblent pas faire la différence entre un orchestre traditionnel animant une cérémonie de mariage et un ensemble de cette catégorie qui fête par la même occasion sa 10e année d'existence et qui a dû travailler dur pour atteindre un certain niveau d'interprétation. En effet, alors que les musiciens jouaient sur scène, une autre symphonie semble avoir été programmée dans la salle en parallèle avec les 4 pièces prévues : Ashwaq de Salim Dada, Concerto pour piano en si bémol mineur de Tchaïkovski (Farid Ouali soliste au piano) puis, en deuxième partie, l'Odyssée éternelle de Abdelwahab Salim et la symphonie du Nouveau monde de Dvorak. Dans les moments les plus délicats de cette dernière, on peut par exemple subir les gémissements à intervalles réguliers d'un bébé qui ne sont pas du tout prévus par le compositeur tchèque qui a été, entre 1892 et 1895, directeur du Conservatoire national de New York. La mère de l'enfant a pourtant pris le soin, le comble, de le ramener avec son biberon ! Aussi, ceux qui filment avec leur téléphone mobile ne sont visiblement pas intéressés par ce qui peut s'écouter. Mais il y a pire. « Allo… oui bonjour comment ça va… Je suis en train de regarder l'orchestre symphonique », chuchote une jeune fille apparemment bien éduquée mais qui ne se gêne pas de continuer la conversation avec son correspondant. « S'il vous plaît, ce n'est pas le moment », lui a-t-on lancé pour l'interrompre. Un peu plus loin et à quelques mesures plus tard, quelqu'un lance : « Pssssst ! Lynda, je vais y aller... ». On entend indifféremment des rires, des quintes de toux, des grincements de portes ou de paliers, etc. Mais là où le public est fort, c'est dans les applaudissements. Seulement, là aussi, en faire trop, nuit. A un moment, le chef d'orchestre a dû faire une gymnastique pour en même temps, d'une main, interpeller les musiciens qui doivent entrer en jeu (la symphonie ayant plusieurs mouvements) et de l'autre, faire cesser les applaudissements qui éclatent à chaque baisse de tonalité. Sans doute, une conséquence du manque d'échanges culturels. Mais la cerise sur le gâteau reste la fin car, alors que l'orchestre amorce les dernières notes, instantanément, une mélodie sortie d'un téléphone mobile prolonge le spectacle ! Amine Kouider et les musiciens qui ont pris la parole à l'issue du spectacle ont remercié le public pour son accueil chaleureux. Le premier a même promis de chercher un sponsor pour rouvrir la fosse d'orchestre aujourd'hui comblée. Bientôt un spectacle d'opéra.