Beethoven, Chopin et Tchaïkovski sont revenus mercredi dernier. Le temps de prêter des partitions de leur cru au talentueux chef-d'orchestre Amine Kouider qui, en compagnie de l'Orchestre national symphonique, a fait vibrer la coquette salle du théâtre Mahieddine-Bachtarzi. Si elles y sont pour quelque chose, les merveilleuses compositions rappelées au bon souvenir des inconditionnels mélomanes doivent par ailleurs leur chaleureux succès à la solidarité témoignée par l'assistance aux victimes des inondations d'Alger. Sur des planches, elles aussi victimes des dernières intempéries, Mr Ziani-Chérif Ayad, directeur du Théâtre national, se glissera parmi les cinquante musiciens, qui venaient de s'installer, pour s'excuser du petit retard et annoncer aux amoureux de la musique classique la bonne nouvelle : à compter de janvier, l'Orchestre symphonique national sera au menu du TNA, un mercredi par mois. Ziani-Chérif Ayad avait, lors de sa première conférence de presse en qualité de directeur de l'établissement, émis le souhait de consacrer les mercredis du théâtre aux différentes expressions musicales dont le classique. C'est désormais chose acquise grâce à l'engagement de Amine Kouider et de son orchestre. Ce dernier, composé de musiciens de différentes origines, marocaine, française et syrienne, a été formé avec le concours de l'Unesco, un organisme derrière une grande partie des réalisations du prodige Amine Kouider, récemment nommé musicien de la paix. La disparition du directeur dans les coulisses fera sombrer la salle dans un silence de cathédrale avant que n'apparaisse sous une pluie d'applaudissements le chef-d'orchestre impeccablement et logiquement affublé de la queue-de-pie réglementaire. Les coups d'archet sonnent les premières mesures d'Egmont de Beethoven suivies par les instruments à vent. La puissance de l'oeuvre n'a pas manqué de se faire sentir parmi un public médusé et séduit, heureux de pouvoir enfin allier musique et spectacle. A Beethoven venait succéder le Concerto pour piano n° 2 de Chopin. Là, c'est pour un pianiste manifestement au mieux de sa forme que l'assistance a succombé. Un prélude orchestral d'une dizaine de minutes balisait un air de romance nostalgique sur lequel le soliste semait l'esprit du compositeur. Seulement voilà, Chopin a cette fantaisie d'accumuler les fausses chutes et les moins rompus au répertoire se feront prendre au piège. Amine Kouider, avec un délicat pouce en l'air, signifiant qu'il n'était pas encore temps d'applaudir, ne dirigeait plus un orchestre mais tout le TNA. Le public, docile, se pliera à la direction du chef et continuera à contenir ses applaudissements jusqu'au bout. L'entracte de quinze minutes a laissé le temps de se ressaisir à des personnes manifestement étourdies par le traitement Chopin. Le temps aussi de ranger l'arme du délit, le piano marron quelque peu mal en point après des années de service qui n'ont pas été de tout repos. Pour la Symphonie n 5 de Tchaïkovski, les instruments à vent sont appelés à grands renforts. Ce qui avait les allures d'une marche macabre se laissait déborder par une féerique épopée conduite par les cordes, mais les cuivres restaient maîtres de la composition. Les deux heures d'évasion que nous a offertes l'orchestre lui a valu une ovation debout. Amine Kouider, effacé, présentera successivement les sections de la formation et chacune aura son bravo. Le public satisfait, content d'avoir vécu ces instants d'intense communion avec des auteurs éternels, devra patienter jusqu'au dernier mercredi du mois de janvier pour replonger dans la dimension classique.