Le nouveau président du parti au pouvoir en Afrique du Sud, Jacob Zuma, a promis jeudi de travailler avec le chef de l'Etat Thabo Mbeki, alors que la menace de son inculpation pour corruption se précisait. « Il est vraisemblable qu'il y ait des craintes pour la coexistence de deux présidents, l'un à la tête de l'Etat et l'autre à la tête du part », a déclaré M. Zuma lors de son premier discours, en tant que chef du Congrès national africain (ANC). « Il n'y a aucune raison pour l'incertitude ou la peur. Le camarade Mbeki et moi-même, en tant que membres de l'ANC, allons développer des relations faciles entre le gouvernement et le parti au pouvoir », a-t-il affirmé devant les quelque 4 000 délégués de ANC réunis à Polokwane (nord-est). « Des points de vue différents ne font pas de nous des ennemis », a lancé le 12e président de l'ANC, triomphalement élu mardi, lors d'un vote qui a mis fin à une âpre bataille avec M. Mbeki pour le contrôle du parti. Signe de la volonté de cohésion des militants de la formation issue de la lutte contre l'apartheid, divisée comme jamais, la salle applaudissait à chaque fois que M. Zuma prononçait le nom du chef de l'Etat, assis au premier rang parmi les simples délégués. Ce discours conciliateur, M. Zuma l'a prononcé alors que le procureur général vient d'annoncer qu'il disposait d'assez d'éléments pour l'inculper de corruption. « Nous avons suffisamment d'éléments pour le déférer en justice », a affirmé le procureur, Mokotedi Mpshe, à la radio privée 702, ajoutant qu'une inculpation rapide est possible. Lors d'une conférence de presse, Jacob Zuma s'est refusé à tout commentaire, affirmant qu'il répondrait « aux allégations, s'il y en a, devant un tribunal ». Le nouveau trésorier général de l'ANC, Mathews Phosa, a, quant à lui, appelé à respecter la présomption d'innocence. Le plébiscite qui a porté M. Zuma à la tête du parti au pouvoir depuis les élections multiraciales de 1994, le place en pole position pour la présidence de la République, lors des prochaines élections générales en 2009. Le chef de l'Etat a, pour sa part, mis fin, jeudi, aux spéculations sur son éventuelle démission anticipée, en dépit de la réduction de sa marge de manoeuvre après la victoire de son opposant. « Le président Mbeki n'a pas l'intention de démissionner. Il n'existe rien de tel », a déclaré son conseiller politique, Joel Netshitenzhe, s'exprimant au nom du président. Selon lui, « rien dans la ligne politique adoptée par le congrès ne change le fait que le Parlement et le gouvernement ont reçu un mandat » jusqu'en 2009, lors des dernières élections générales d'avril 2004. Dans son discours, le nouveau patron de l'ANC a tracé les grands traits d'une politique destinée à « créer des conditions propices aux investissements » tout en « bâtissant une société solidaire ». Il a rassemblé les voix des déçus de la politique libérale de Thabo Mbeki, avec notamment le soutien de la Confédération syndicale Cosatu et du Parti communiste, puissants alliés de l'ANC avec lesquels il a promis une collaboration plus étroite. A Polokwane, l'ANC a fait ses priorités de la lutte contre la pauvreté, qui affecte toujours 43% de la population, et le chômage (près de 40%). Depuis 2005, M. Mbeki tente d'écarter Jacob Zuma, en vain. Il l'avait alors limogé de la vice-présidence du pays après la condamnation de son conseiller financier, Schabir Shaik. Ce dernier purge une peine de 15 ans de prison pour avoir sollicité des pots-de-vin au profit de Jacob Zuma, dans une affaire de contrat d'armement avec le groupe français Thalès. Inculpé une première fois pour corruption, M. Zuma avait bénéficié d'un non-lieu en septembre 2006, faute de preuves suffisantes.