Désavoué par son propre parti, l'ANC, Thabo Mbeki jette l'éponge. Il démissionne de son poste de président avant la fin de son mandat qui devait s'achever en 2009. C'est l'aboutissement d'un bras de fer qui a commencé en 2007 avec l'élection de Jacob Zuma à la tête du parti “arc en ciel” au pouvoir. L'Afrique du Sud postapartheid est à un tournant qui doit être négocié avec beaucoup de précaution, estiment les observateurs. L'Afrique du Sud n'est pas n'importe quel pays africain, c'est une démocratie multiraciale et un géant économique. C'est le seul à figurer dans le lot de pays émergents derrière l'Inde, le Brésil et la Chine. Samedi, l'appel à la démission du chef de l'Etat par son propre parti, l'ANC, a fait l'effet d'une bombe. Tout comme l'annonce que Thabo Mbeki allait se plier à cette décision. Ce qui est le plus surprenant est que l'ANC ait décidé d'écarter Mbeki si près des prochaines élections générales, prévues pour le second trimestre 2009. En fait, depuis des mois, les partisans du nouveau président Zuma du parti fondé par Nelson Mandela réclamaient le départ de Mbeki, accusé d'avoir orchestré une machination pour barrer à son adversaire la route de la présidence. Ce dernier a été inculpé pour corruption dix jours seulement après avoir ravi au chef de l'Etat la direction de l'ANC, en décembre dernier. Le non-lieu pour vice de forme prononcé le 12 septembre dans le dossier Zuma par le juge, qui a évoqué “des interférences politiques”, n'est pas étranger à la décision de l'ANC. Le courant n'est jamais passé entre les deux hommes, en 2006, Mbeki avait congédié Zuma du poste de vice-président de la République au motif qu'il était sous examen,mais la justice devait par la suite le disculper dans une double affaire, corruption et assassinat. En décembre dernier, le congrès de l'ANC n'a vibré que pour Zuma, un zoulou très populaire pour son populisme et son franc-parlé sur l'Afrique du Sud postapartheid. Pourtant, Mbeki avait tout fait pour essayer de placer une femme proche de lui à la tête du parti, après avoir abandonné l'idée d'une révision constitutionnelle pour s'ouvrir un troisième mandat et ne pas sacrifier à une attitude “logique” chez ses pairs autocrates du continent. Et une fois que l'ANC lui eut retiré sa confiance, le président Mbeki n'avait plus vraiment le choix. En l'absence de scrutin présidentiel direct, le chef de l'Etat tient sa légitimité du mandat de son parti. Démissionner est la sortie la plus honorable pour lui, cela lui permet d'éviter l'humiliation d'un vote de défiance ou d'une procédure de destitution au Parlement. Cette crise écorne-t-elle l'image de la patrie de Mandela ? Pas si juste, car Mbeki usé par deux mandats a fini par ne plus être populaire, et la démocratie sort victorieuse avec l'alternance au pouvoir. Il reste que pour le court terme, tout dépend de la manière dont l'ANC va choisir son successeur et de la tenue ou non d'élections anticipées. Le Parlement, où l'ANC dispose de près de deux tiers des sièges, devrait se pencher sur la question demain. Il peut désigner un président par intérim, ce qui implique la convocation d'élections anticipées, ou d'un président en exercice qui dirigera le pays jusqu'au terme initial du mandat de Thabo Mbeki. La presse sud-africaine assure que l'ANC souhaite désigner la présidente du Parlement, Baleka Mbete, en attendant les élections générales, où Jacob Zuma mènera la campagne du parti, ce qui lui assure d'être élu président du pays. La crise aura-t-elle des conséquences sur la croissance soutenue (plus de 5% sur les cinq dernières années) de la première puissance économique du continent ? Thabo Mbeki a succédé à Nelson Mandela à la tête de l'Etat en 1999. D. B.