Les chefs de familles s'endettent, alors que les virements n'ont pas été effectués. Les justifications techniques ne semblent pas convaincre les travailleurs. A la poste centrale, il n'y avait pas grande foule dans les bureaux de retrait à vue, où d'habitude les salariés de tous bords de la fonction publique sacrifient au rituel des files fastidieuses pour percevoir leurs rétributions mensuelles. En vérité, l'on est déjà à la moitié du mois de janvier, et des dizaines de milliers de travailleurs, émargeant au secteur public, n'ont pas encore été payés. Une certaine grogne, bien qu'encore sourde, est néanmoins perceptible, vu la mine renfrognée des hommes et des femmes, quittant les guichets après que le préposé aux paiements les eut affranchis sur l'état inconsistant de leur solde. « Nous sommes à bout de souffle, déclare une mère de famille, pourtant cadre dans l'administration universitaire. Et d'ajouter : « Les prix affichés sur les étals des marchés s'affolent, pour ne parler que des produits alimentaires ; nos économies ont fondu comme neige au soleil après la fête de l'Aïd el Adha et son cortège de dépenses. Nous revoilà donc dans le cycle de l'emprunt et des dettes jusqu'à ce que les salaires arrivent… ». Cette sentence n'est pas celle d'une fonctionnaire isolée. L'on peut même dire qu'elle fait office d'avis général des travailleurs de l'éducation, de la santé, de la commune ainsi que de tous les corps se rattachant à la fonction publique. Le trésorier de la wilaya relativise et estime que ce retard dans les paiements, constaté à chaque fin d'année est, somme toute, dans l'ordre des choses « car, dit-il, le traitement de janvier est tributaire de l'admission des rappels et des différentes primes et augmentations dans la trésorerie, en plus du fait qu'on travaille sur deux gestions : celle de l'année écoulée qu'il faut épurer et celle, en cours, à laquelle il faudra intégrer de nouvelles données ». Entre autres données à inclure cette année, et qui est une nouveauté dans l'architecture structurelle des salaires de la fonction publique, il se trouve celle se rapportant à la diminution, voire la suppression de l'impôt sur le revenu global (IRG) dans les salaires n'excédant pas les 15 000 DA. Il ajoutera : « Le journal officiel où sont consignées ces dispositions n'a pas encore paru, et c'est la raison pour laquelle les administrations tardent à déposer leurs mandats relatifs aux paiements des salaires du mois de janvier ». Il reste qu'un bon nombre de salariés sont imperméables à ces assertions techniques qu'ils assimilent, à juste titre, d'ailleurs, à des tracasseries bureaucratiques car, comme le soutient un enseignant « l'administration a toujours la possibilité d'anticiper sur ces pseudo-difficultés, qui plombent ou parfois même anéantissent notre pouvoir d'achat ».