Après les protestations, l'opération, menée sous haute surveillance, s'est déroulée sans incident. Cependant, la situation des propriétaires reste en suspens. L'opération, tant redoutée, de l'évacuation de plusieurs familles du site du quartier Bardo, Aïn Askar en premier lieu, s'est finalement bien terminée malgré quelques larmes au moment douloureux de quitter une demeure où l'on a toujours vécu. Tôt dans la matinée de dimanche passé, des dizaines de camions de l'APC et d'autres entreprises publiques, qui ont bien voulu participer bénévolement à l'opération, ont commencé leur carrousel vers la nouvelle ville Ali Mendjeli, chargés à ras bord de meubles et autres équipements domestiques, en plus de personnes, ayant l'air hagard. Sur place, une foule compacte entourait les différents directeurs de l'exécutif pour s'enquérir des commodités de leurs nouveaux logements. Au moment de quitter la maison familiale, un quadragénaire dira : « Nous sommes quatre frères dont deux mariés, en plus de nos parents. Nous pensions avoir chacun son propre logement, mais on a dû déchanter, puisqu'il n'y aura qu'un seul appartement pour tous. Nous avons fait un recours, mais hélas, demeuré sans écho ». Pour sa part, le directeur de la santé, affichant une mine réjouie, déclare : « A chaque fois que l'on évacue des personnes qui occupaient des endroits insalubres, même si la plupart d'entre elles sont propriétaires, ce sont des foyers de maladies transmissibles qui disparaissent ». Même constat chez le directeur de l'éducation qui précisera que « l'opération de recasement des familles ne gênera aucunement les élèves des différents paliers. Une note a été instruite pour accueillir tout élève qui jugera bon de s'inscrire, aussi bien au niveau de la nouvelle ville que du chef-lieu de wilaya, tout en bénéficiant d'une demi-pension gratuite ; tout cela pour permettre aux élèves de ne pas trop souffrir du changement d'établissement, surtout ceux de terminale, que l'on prendra en charge un peu plus que les autres, vu l'examen qui les attend. D'ailleurs, tous les élèves seront sur les nouveaux bancs de l'école dès aujourd'hui ». Cela n'aura pas empêché, la veille c'est-à-dire samedi, des élèves d'un établissement scolaire, à Bardo, de saccager le matériel didactique, s'opposant ainsi au transfert des mobiliers, de même que certains « délocalisés », qui accuseront l'administration de partialité, « puisque plusieurs personnes, n'ayant aucun lien avec les habitants de Bardo, ont bénéficié de l'opération de recasement ». Beaucoup de suspicions sont nées, en effet, après que le tirage au sort des bénéficiaires a eu lieu, alors que la liste officielle n'a pas été affichée. Un hiatus sera aussi relevé quant à la délocalisation de propriétaires de maisons et de locaux commerciaux, qui feront longtemps de « la résistance », refusant de quitter les lieux, mais qui le feront quand même mercredi et jeudi, « après des promesses fermes du wali pour une indemnisation conforme aux textes en vigueur, et où chacun percevra son dû », nous dira un père de famille possédant une maison sur le site depuis 1969. Pour en revenir à l'opération de transfert, les cadres de la wilaya étaient satisfaits et ont balayé, du coup, tous les problèmes nés avant l'entame de l'évacuation du premier groupe de familles vers la nouvelle ville, se chiffrant à plus de 600 familles sur les 1 100 prévues.