Sans user de la terminologie propre à sa profession, l'avocate répond aux questions du tribunal comme n'importe quel justiciable. Madame la présidente, je ne comprends pas comment j'ai pu passer du statut de victime à celui d'accusée ! », s'interroge la prévenue lors de son procès au tribunal de Sidi M'hamed, le 28 janvier 2008. La réaction de la mise en cause intervient après que la magistrate ait lu l'acte d'accusation faisant ressortir une « rixe suivie d'injures à fonctionnaire de l'Etat ». La dame de 35 ans décline sa profession : avocate au barreau d'Alger. Elle doit répondre à une plainte d'un policier. Celui-ci n'était pas présent à l'audience. Selon le rapport de police, « l'accusée » aurait proféré des injures contre le fonctionnaire de la DGSN un jour de l'été 2006. La plainte concerne aussi une autre personne, absente elle aussi à l'audience, qui accompagnait la prévenue à bord d'un véhicule d'une auto-école. Comment en est-elle arrivée là ? Sans user de la terminologie propre à sa profession, l'avocate répond aux questions du tribunal comme une justiciable ordinaire. « Je n'ai agressé personne. Au contraire, c'est moi et la personne qui m'accompagnait, mon moniteur d'auto-école, qui sommes victimes. D'ailleurs, nous avons déposé plainte au niveau du commissariat du coin dont une copie est toujours en ma possession. Permettez-moi de vous la remettre madame la présidente. » La magistrate parcourt le document. Son regard, balayant un bon moment le document, a tout l'air de corroborer avec les dires de l'avocate. Celle-ci poursuit son récit en tenant à apporter le moindre détail : « L'affaire a eu lieu au niveau de la place du 1er Mai, le 30 juin 2006. J'étais au volant d'une voiture-école et assistée par un moniteur d'une soixantaine d'années. J'ai dû solliciter les services d'une auto-école dûment agréée afin de parfaire ma conduite. En fait, je possédais déjà mon permis de conduire, mais j'étais contrainte d'acheter quelques heures de perfectionnement avant de voler de mes propres ailes dans les encombrantes voies de la capitale. Le véhicule, muni du plafonnier « Auto-Ecole » amorçait une marche arrière, malheureusement il entra en collision avec un autre véhicule qui était derrière. La voiture appartenait au policier ». La suite ? « Le monsieur était dans tous ses états. Il n'arrêtait pas de nous vilipender, de nous agresser verbalement, de proférer des obscénités. Il avait même retiré mon permis de conduire alors que le règlement l'interdit. L'ambiance était telle qu'il en est venu aux mains avec mon moniteur. Devant cet état de fait, je me suis présentée au commissariat pour déposer plainte. Ce qui m'a été accordé. Seulement, je ne comprends pas que je sois convoquée en tant qu'accusée ». Vient ensuite le tour de la défense représentée par deux avocats. Outrés que leur collègue soit « traînée devant les tribunaux comme un vulgaire délinquant », la défense axe sa plaidoirie sur un point « primordial ». « Nous avons présenté une preuve matérielle rappelant que notre mandante est victime et non pas accusée. Il s'agit de sa déposition prise en charge par le commissariat », plaident-ils. En attendant le 4 février 2008, date qui doit confirmer ou infirmer la peine requise par le procureur, à savoir deux mois de prison ferme à l'encontre du moniteur et 2000 DA d'amende infligée à l'avocate-accusée.