Dr Yacine Hemdane, diplômé de l'université du Littoral de Dunkerque (France), est spécialiste en dynamique côtière et sous-marine et l'aménagement des côtes. Quelle est la situation actuelle de l'avancée de la mer en Algérie ? L'avancée de la mer, appelée aussi « recul du trait de côte », est un phénomène universel que subissent plusieurs côtes dans le monde et qui est généré par l'incontestable montée du niveau de la mer et ce, en raison des changements climatiques. En Algérie, ce phénomène est accentué par l'action de l'homme. Par conséquent, nous assistons à une avancée spectaculaire de la mer qui se traduit par la disparition continuelle de nos plages et l'effondrement de nos falaises. Ceci étant un lien certain avec la destruction des cordons dunaires, le pillage et l'extraction abusifs du sable des oueds exoréiques (débouchant vers la mer), la pollution marine etc. Concernant les plages, je tiens à rappeler que celles-ci sont considérées comme une protection naturelle des littoraux. Plus précisément, c'est grâce au sable et aux galets que le littoral se protège contre l'avancée de la mer. En ce qui concerne les falaises, nous avons à ce titre des falaises considérées parmi les plus belles au monde comme celles de Zerzouria (Aïn Taya) par exemple. Cependant, nous n'avons pas choisi une bonne gestion intégrée pour protéger ces boucliers et ces cuirasses côtiers qui sont les falaises, les dunes et les plages. Les brise-lames et les amas rocailleux, qui se sont avérés infructueux et non-respectueux de l'écosystème marin, sont remplacés par d'autres mécanismes, quels sont -ils et expliquez-nous leurs avantages ? Dans certains cas, l'enrochement et l'endiguement du littoral ont été bénéfiques et j'ai beaucoup de respect pour les bureaux d'études qui ont contribué à trouver, jusqu'à présent ces solutions pour protéger nos littoraux. A ce titre, je propose pour l'Algérie et aux bureaux d'études de se pencher sur d'autres solutions pour la protection des côtes par des techniques souples comme les géotextiles (géotubes, géobags).Un géotube est un tube en géotextile rempli de sable qui joue un grand rôle dans l'engraissement des côtes. A titre d'exemple, un géotube immergé en affleurant la surface de la mer, amortirait l'énergie des vagues tout en permettant à des vagues résiduelles moins érosives d'atteindre la côte, pour y déposer les sédiments transportés en suspension, charriage et en nappe et de former ou de reformer, par conséquent, des plages. A ce titre, plusieurs études américaines, australiennes, hollandaises, mexicaines publiées dans des revues scientifiques très cotées ont démontré le succès des géotextiles (géotubes) dans la protection des côtes. Je tiens à signaler que ces techniques (géotubes) sont environ 3 à 4 fois moins chères par rapport aux techniques de protection lourdes (béton et enrochements) utilisées jusqu'à présent en Algérie et ce, en plus de leur court délais de réalisation et donc un gain davantage d'argent. En ce qui concerne le remplissage des géotubes et dans le cadre de mes recherches, j'ai proposé pour l'Algérie le sable de l'Atlas saharien pour la protection des côtes et qui pourrait servir, à ce titre, d'alternative pour le remplissage des géotubes. Aussi, grâce à ces géotextiles nous pouvons installer des algues ou des récifs artificiels, qui serviraient comme un atténuateur des vagues de tempêtes qui attaquent nos plages et nos falaises. Il convient toutefois de signaler que l'utilisation des produits géotextiles comme moyen de protéger les littoraux a été initiée depuis 1985 dans les pays développés. L'Algérie a-t-elle envisagé de recourir à ces mécanismes ? Nous avons proposé cette technique en 1999, avec la contribution de MM Kamel Baïri (directeur environnement Maghreb SNC Lavalin International), Gater Saïd Amari (HMI) et là, nous avions proposé de protéger la côte de Béjaïa (Club hippique) par les géotextiles avec la contribution de M. Belkessa (Ismal). Cependant, cette étude n'a pas été concrétisée sur le terrain. Actuellement, je suis en train de relancer ce projet pour tester ces techniques en Algérie. Aussi, j'ai proposé cette technique à l'APPL (Agence pour la promotion et la protection du littoral. wilaya d'Alger). Cette technique a intéressé cet établissement qui veut la tester sur l'une des côtes algéroises. Par ailleurs, je compte animer dans les mois à venir des conférences sur ces nouvelles techniques de protection. Avez-vous un message à transmettre ? Je pense qu'il faut absolument que les projets maritimes fassent davantage appel à la science. A titre d'exemple, nous pouvons tester ces méthodes en Algérie et ce seront les laboratoires universitaires qui surveilleront leur efficacité sur le terrain et ce, en menant des campagnes de mesures en mer (courants, vagues, engraissement des côtes).