Il est temps que les autorités se décident à écouter la science, partie prenante d'une gestion intégrante qui pourrait réduire les risques potentiels. «Depuis 2001 que j'essayais de communiquer avec les autorités algériennes, mais hélas. J'ai demandé des audiences à un ministre et il n'a même pas répondu à ma requête même par un refus et trois ans après, c'est un responsable qui me reçoit en rebuffade. Il devait me rappeler pour exposer ma technique devant le ministre, mais sans suite. Cela semble ne pas trop intéresser le ministre en question. Sans m'écouter, ce responsable me disait «bon, ça coûte combien!». On s'inquiète du coût quand il s'agit des vies humaines et de notre pays, mais on ne s'inquiète jamais lorsqu'il s'agit d'organiser des séminaires dans des hôtels luxueux.» affirme dans un courrier électronique, transmis le 09 octobre 2004, Yacine Hemdane, chercheur en dynamique côtière et en environnement littoral et marin en fin de recherches doctorales - Dunkerque, France. «Ce que nous venons de vivre durant le 13 novembre 2004, où les vagues ont dépassé les 10 mètres de hauteur, ne pourrait être malheureusement qu'un avertissement émis par la nature à l'adresse de son destructeur», ajoute-t-il dans une contribution adressée à la rédaction. Pour cet éminent spécialiste, l'état des lieux en Algérie concernant les risques des inondations littorales est plus qu'angoissant. Les agressions commises sur le littoral jusqu'à ce jour, l'ont fragilisé au point qu' il ne peut plus faire face aux risques météorologiques et marins. Cet éminent scientifique souligne qu'un littoral «non agressé peut faire face aux vagues destructrices et cela grâce à la dynamique naturelle du littoral et aussi grâce à son sable et dunes qui interviennent conjointement afin de réduire l'effet des vagues dévastatrices». Pour étayer ses propos, il affirme que «plusieurs études scientifiques ont démontré que les hauteurs des vagues sont amoindries et déferlent au large et cela, grâce au sable abondant dans les petits fonds marins lors des tempêtes et une fois arrivées à la côte, les vagues dévastatrices vont subir une autre diminution grâce aux dunes littorales». Malheureusement, au moment où certains pays essaient de tout faire afin de se protéger contre ces potentielles vagues dévastatrices en protégeant leur littoral (sans l'agresser), nous assistons chez nous à la détérioration de notre littoral et au vol de son sable et aussi au rasage de ces dunes qui ne font qu'accroître le risque de l'attaque de la mer et mettre la population au-devant du danger. Cette destruction des dunes du littoral a fait que, topographiquement, plusieurs points du littoral sont devenus plus bas que le niveau de la mer et donc facilement inondables. Lors des tempêtes, la dune bien engraissée en sable reçoit le choc des vagues dévastatrices et par réaction elle relâche, immédiatement, son sable pour édifier dans les petits fonds une barrière naturelle en sable pour casser l'énergie des vagues de tempêtes. Ainsi, la dune met à l'abri l'arrière-pays de ces vagues tueuses et du débordement de la mer. «Je vous invite à voir le rasage des dunes à la plage d'Aïn Benian où le littoral est à moins de 50 cm au-dessous du niveau de la mer, on se demande qui donne ces permis de détruire l'environnement pour mettre la population au-devant du danger», s'interroge Hemdane. L'étonnant, c'est de voir que des lois signées par le président de la République afin de protéger les zones côtières sont violées avec insouciance. «Nous allons payer très cher le fait d'avoir donné la permission de détruire des zones vulnérables et le vol du sable du littoral et cela, malgré les lois arrêtées par le président de la République, loi 02-02 article 18 interdisant de toucher à la bande des 300 mètres longeant le littoral» assure, en outre, ce scientifique. Cependant, les avis des scientifiques ne sont que rarement pris en considération par les politiques et sont étiquetés d'alarmistes quand ils évoquent certains constats et potentialités. En effet, un spécialiste de la sécurité maritime a révélé au Soir d'Algérie que rien n'a été fait depuis 1980 après la tempête d'Oran où des bateaux ont même coulé à quai. Selon lui, le Béchar et le Batna sont des navires destinés à la vente d'où leur désarmement en attendant de trouver acquéreur. Dans le jargon maritime, le fait de désarmer un navire, consiste à le déposséder de ses équipements de base qui lui garantissent une navigabilité sécurisée aussi bien pour l'embarcation que pour son équipage. Ce qui est en porte-à-faux avec les normes internationales qui précisent qu'un bateau mis en rade doit obligatoirement être capable de reprendre le large en cas de tempête qui l'entraînerait vers le rivage. Le même spécialiste a révélé, d'ailleurs, que lors d'une réunion tenue récemment au siège du ministère des Transports, les experts ont soulevé plusieurs questions inhérentes à la gestion des situations d'urgence. Parmi les propositions figurait l'urgence de l'acquisition d'hélicoptères spécialisés dans le sauvetage en mer. Si la proposition a bel et bien été retenue par le département ministériel, il n'en demeure pas moins que le projet est resté lettre morte. Décidément, c'est devenu une habitude dans un pays où le littoral s'étend sur plus de 1200 kilomètres, de ne jamais donner suite aux propositions des hommes de science algériens. Une négligence dont le dernier bilan des opérations de sauvetage lancées pour retrouver les membres de l'équipage du cargo Béchar qui a sombré samedi soir près du port d'Alger, fait état de la disparition de 8 marins et le repêchage de 7 corps. A l'heure actuelle, les causes exactes de ce tragique accident demeurent pour le moment encore floues même si plusieurs versions sont avancées allant de la négligence au manque de moyens ainsi qu'aux facteurs exogènes. Les circonstances et les causes du naufrage font, d'ores et déjà, l'objet de plusieurs enquêtes à la charge de différentes commissions chapeautées par le ministère des Transports et de la direction de la marine marchande. Pointer un doigt accusateur vers une quelconque partie ne ressuscitera pas les morts, mais il est toujours temps de tirer les bons enseignements. D'où la nécessité d'agir et de ne pas attendre que la catastrophe survienne pour ensuite se leurrer dans le fatalisme et chercher à «fabriquer» le coupable, car nous sommes tous coupables.