La réception organisée à l'institut, pour marquer l'événement de la Journée de la femme et malgré qu'elle se soit déroulée dans la convivialité, avait un goût amer, que même les boissons sucrées n'arrivaient pas à faire passer, à l'idée que les pionniers de la démocratie émergente des années 1988 qui avaient élevé haut l'étendard de la liberté et du progrès pour une « Algérie qui avance », les premiers à montrer dans leurs colonnes les mérites de la femme battante et militante et à proclamer leurs droits à la citoyenneté et à l'égalité. Après deux décennies de tant de courage et de sacrifices pour lutter contre les forces passéistes après avoir déployé tant de trésors d'ingéniosité pour rester seulement en vie, voilà que maintenant ces professionnels de la plume et leurs directeurs des journaux indépendants se font traquer et jeter dans des geôles réservées en principe aux malfrats pour les immobiliser, les briser mais surtout liquider par leur immobilisation et une amende exorbitante le quotidien gênant. II y a eu déjà un précédent, le cas du directeur du quotidien indépendant Le Matin. Ce qui choque moins n'est pas l'outrage au président de la République, lequel, somme toute, a droit au respect, mais l'acharnement de la justice à sanctionner aussi sévèrement et durement par une peine capitale un prétexte aussi dérisoire et monté en épingle : une histoire anodine de bons de caisse n'ayant aucune valeur marchande à l'étranger et dont il est permis d'en mesurer toute la mise en scène grotesque à travers le poignant témoignage de M. Benchicou dans son livre intitulé les geôles d'Alger : le combat du journaliste qui trempa sa plume dans la plaie. II faut dire, au passage, que son incarcération n'a nullement altéré, comme le dit la chanson « sa liberté de penser ». A part l'exception qui confirme la règle, la prison n'éduque pas, bien au contraire elle transforme un délinquant mineur, à sa sortie, en délinquant majeur et un intellectuel passionné en un leader révolutionnaire. Je me suis exprimée à l'époque dans Idées-débats d'El Watan : « Si c'était par diversion ? » article, daté du 7 mai 2004, pour montrer que nous avions la preuve à travers cet exemple que la justice n'était pas indépendante et que nous nous étions éloignés des chantres de la démocratie et de la séparation des pouvoirs, prônée par Montesquieu, entre autres. J'ajouterai qu'il montre, au passage, que la République est mieux que la monarchie bien que cette dernière ne fasse pas partie des mauvais gouvernements, mais en devenant « despotique », c'est-à-dire « absolue », « elle s'est éloignée de sa Constitution ». Aujourd'hui, par la cabale faite à l'encontre de plusieurs journalistes, la justice semble devenue un organe de répression, si l'on en croit le tollé général qui se dégage à travers la presse pour condamner ce verdict dans son intransigeance. Que vaut un dédommagement aussi excessif pour satisfaire l'ego d'une personne, quel que soit son statut sans tenir compte de l'indignation de milliers de citoyens, choqués par un tel verdict et au risque de jeter l'opprobre sur l'institution ? La protestation qui monte de jour en jour et les nombreux soutiens de la population en faveur du directeur d'El Watan et du caricaturiste Chawki Amari montre l'exagération de la peine qui n'est pas en proportion par rapport aux faits reprochés. Le dédommagement pour délit de diffamation est un droit démocratique qui doit rester mesuré et dans l'intérêt de tous les acteurs. Enfin, pour résumer cet état de fait, voici quelques pamphlets en guise de soutien, réalisés en grande partie le soir du 8/3/2008 : La tyrannie est consommée, au vu de nos symboles piétinés A voir les journalistes comment ils sont malmenés, Par des verdicts sans ménagement et exagérés, Les libertés collectives et individuelles chèrement acquises sont confisquées Par une institution qui est devenue un instrument à broyer l'expression Au service d'une caste qui s'érige de plus en plus comme une classe, Et ce, pour dominer la masse en donneur de leçon. Le pouvoir personnel est de rigueur et la critique n'est plus de mise. Tous ceux qui disent des vérités, pour l'intérêt de la collectivité sont menacés par une justice que l'on soupçonne de se faire manipuler La compétence est hypothéquée et tout est machiné ; pour étouffer toute velléité de montrer la réalité Sans nier le fait qu'il existe toujours des êtres sages et modérés, qui ne se sentent aucunement visés et qui rendent leur jugement en toute équité. Merci de m'inscrire également parmi les signataires de la déclaration contre la condamnation de Chawki Amari et de Omar Belhouchet. L'auteur est : Docteur en sociologie à la Sorbonne Enseignante à l'Université d'Alger