D'anciens activistes de l'Organisation armée secrète (OAS) et des proches de victimes de l'OAS, soutenus par des militants anticolonialistes, se sont fait face, mercredi, sur la place Charles-de-Gaulle, à Paris. Paris : De notre bureau Sous l'Arc de Triomphe, les premiers, fortement encadrés par des forces de police et de gendarmerie, ont rendu hommage aux partisans de l'Algérie française, les seconds ont exprimé leur inquiétude que soit reconnue la mention de « Morts pour la France » aux 46 morts de la manifestation, à l'appel de l'OAS, de la rue d'Isly, le 26 mars 1962. « Les victimes de la rue d'Isly ont répondu à un appel à manifester de l'OAS, une organisation séditieuse. Cet hommage a été autorisé par les services de l'Etat. Je suis fils d'une victime de l'OAS. Je ne souhaite pas que ceux qui ont répondu à un mot d'ordre de l'OAS soient alignés sur nos pères qui ont défendu la République. Le 26 mars est certes un jour de deuil pour les victimes de cette fusillade, c'est aussi le jour où avait débuté le procès de l'assassin de Roger Gavoury, mon père », nous déclare Jean-François Gavoury, président de l'Anpromevo. « Les personnes à l'origine de cet hommage sont membres de l'Adimad (Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l'Algérie française, créée en 1967 par le général Salan, ndlr), sont des anciens de l'OAS », ajoute-t-il. Si la promesse de Nicolas Sarkozy d'accorder le titre de « Morts pour la France » aux manifestants du 26 mars 1962 venait à être concrétisée, « ce serait un affront aux poilus, aux résistants et à ceux qui pendant la guerre d'Algérie ont lutté pour l'ordre républicain contre l'OAS. J'engagerai alors une procédure de retrait de la qualité de mort pour la nation reconnue à mon père et je rendrai ma carte de pupille de la nation », nous signale encore le président de l'Association des familles des victimes de l'OAS. Nicolas Sarkozy, candidat à la présidence de la République, dans la lettre qu'il avait adressée au président du Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (CLAN-R), le 16 avril 2007, avait promis d'attribuer la mention « Morts pour la France » aux victimes de la fusillade de la rue d'Isly du 26 mars 1962. Pour Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de Salah Ould Aoudia, un des six inspecteurs des centres sociaux assassinés par l'OAS, nous dit : « Pour que mes frères algériens comprennent la monstruosité de ce qui se déroule ici, je vais faire un parallèle, même s'il n'est pas exact sur le plan historique. Imaginons le GIA appelant à une manifestation à visée insurrectionnelle, l'armée tire sur les manifestants et que les victimes de cette manifestation devant être considérées comme des chouhada. Les manifestants de la rue d'Isly, le 26 mars 1962, ayant obéi à une organisation terroriste ont été empêchés de manifester. On veut aujourd'hui les considérer comme des héros, morts pour la défense de la République française. Puisque ces manifestants pourraient être considérés comme morts pour la France, il y a lieu de considérer à plus forte raison comme morts pour la France les victimes de l'OAS d'abord, les manifestants de Charonne aussi, mais également, parce qu'ils étaient Français à cette date, ceux qui ont été massacrés le 17 octobre 1961 par la police placée sous les ordres du sinistre Papon. » La Ligue des droits de l'homme, qui a appelé au rassemblement de protestation, indique qu'elle « est sensible à la mémoire douloureuse des descendants des victimes civiles de la manifestation du 26 mars 1962 à Bab El Oued, organisée par l'OAS, où, dans des circonstances tragiques, l'armée française a été conduite à ouvrir le feu. Mais l'association Souvenir du 26 mars et l'Adimad, la première apparaissant comme un prête-nom de la seconde, font manifestement une instrumentalisation de la douleur de ces familles au profit de leur nostalgie coloniale ». Pour Henri Pouillot, ancien militant anticolonialiste, qui portait autour du cou une pancarte « L'OAS m'a raté deux fois », « il est inacceptable que la République permette cela : laisser le drapeau de l'OAS s'incliner sur la tombe du soldat inconnu, à quelques pas de l'inscription de l'appel du 18 juin du général de Gaulle, alors même que cette organisation avait tenté de l'assassiner, c'est un déni de mémoire de la part des autorités et une nouvelle provocation de la part de l'OAS ! » « J'attends que la France honore tous ceux qui sont restés fidèles à ses valeurs, à en mourir », nous dit Fatima Besnaci-Lancou, présidente de harkis et droits de l'homme, rejoignant les associations protestataires. Et elle ajoute que « cet hommage est une insulte aux descendants des victimes des centres sociaux. Je regrette que l'article 13 de la loi du 23 février 2005 (qui réhabilite les anciens activistes de l'OAS, les considérant comme des « exilés politiques », ndlr) ne soit pas abrogé. » « Le plus grand crime de l'OAS a été de tromper les pieds-noirs et de les avoir fait partir », nous affirme Jean-Pierre Gonon, de l'association France-Algérie. « Cet hommage est lié à la loi du 23 février 2005. C'est une atteinte à la République », indique, pour sa part, Michèle Decaster, secrétaire générale de l'AFASPA et petite-fille d'un résistant. Il est à rappeler que l'appel initial de protestation contre la participation d'anciens activistes de l'OAS à la cérémonie du ravivage de la Flamme à l'Arc de Triomphe, le 26 mars, lancé par l'Anpromevo et Les amis de Max Marchand et de Mouloud Feraoun et leurs compagnons, a été soutenu par la Ligue des droits de l'homme, le Comité Vérité Justice pour Charonne, le MRAP, Le collectif Anticolonial.org, Au nom de la mémoire, le groupe communiste au Conseil de Paris…