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« Il existe une possibilité de supprimer le visa pour les Algériens »
Mme Yuli Mumpurni Widarso (Ambassadeur d'Indonésie à Alger)
Publié dans El Watan le 05 - 04 - 2008

Un chiffre : 60% du café consommé par les Algériens proviennent d'Indonésie. Les échanges commerciaux entre l'Algérie et l'Indonésie, tous deux grands producteurs de gaz naturel, sont en augmentation constante. L'Indonésie aspire à attirer des investisseurs algériens et œuvre pour permettre à Sonatrach, principale firme algérienne, d'y avoir des projets mixtes. Djakarta souhaite renforcer la coopération culturelle et supprimer le visa pour les Algériens dans une perspective d'intensifier le flux touristique entre les deux pays.
Vous êtes à Alger depuis trois mois. Quelles sont, pour vous, les priorités de l'action en Algérie ?
Cette question m'a été posée par les députés à Djakarta durant l'examen de ma nomination en tant qu'ambassadeur. Il existe de grandes potentialités à exploiter pour diversifier et renforcer les rapports entre les deux pays dans le domaine économique, surtout qu'ils ont signé plusieurs accords de coopération impliquant les secteurs public et privé. Nous sommes en phase d'évaluation de ces accords signés après les visites respectives des deux chefs d'Etat pour mieux les appliquer. Au cours de ma mission à Alger, j'espère promouvoir les relations commerciales et culturelles. L'Algérie et l'Indonésie sont des pays en développement à majorité musulmane qui peuvent renforcer la coopération culturelle comme l'échange d'étudiants. Notre héritage culturel fait que nous avons des richesses communes. Une de mes priorités est également d'augmenter le nombre de touristes algériens vers l'Indonésie. Je dois redoubler d'efforts pour faire la promotion du tourisme indonésien en Algérie. Mes frères en Algérie connaissent bien l'Indonésie, mais je crois qu'ils ont besoin de remettre à jour leurs informations sur les réalités d'aujourd'hui.
Est-il possible d'ouvrir une ligne aérienne directe entre Alger et Djakarta ?
Le plan de Garuda Indonesia, notre compagnie aérienne, appliqué actuellement, prévoit la fermeture de certaines lignes vers l'Europe et l'ouverture de nouvelles liaisons vers le Moyen-Orient et l'Asie. Il faut que la compagnie étudie les coûts induits et la faisabilité commerciale, avant d'ouvrir une ligne directe vers Alger. Il existe actuellement une ligne directe Alger-Doha. A partir de la capitale qatarie, il y a des continuations vers Bali et Djakarta assurées par Qatar Airways. Je serais heureuse s'il existe une possibilité pour Air Algérie d'ouvrir une liaison vers l'Indonésie. Cela va offrir davantage de possibilité de coopération.
Vous voulez séduire les Algériens pour qu'ils visitent l'Indonésie, mais pour cela, il faut obtenir un visa...
L'Algérie fait partie d'une liste de pays pouvant avoir accès à des facilités pour l'obtention d'un visa de circulation en Indonésie. C'est un visa on arrival qui est obtenu à l'aéroport de Djakarta. A titre d'exemple, les Algériens qui sont en Malaisie ou à Singapour peuvent en avoir un à leur arrivée en Indonésie. Il existe une possibilité de supprimer le visa pour les Algériens. Cela obéit toutefois à la règle de la réciprocité. Le tourisme est pour nous l'axe central de l'investissement. Depuis la diminution de nos capacités de production pétrolière, nous sommes en quête de nouvelles sources d'entrée de devises. Le tourisme en fait partie. En 2007, 5,5 millions de touristes ont choisi la destination Indonésie. Notre objectif en 2008 est d'atteindre les 8 millions de visiteurs. Les potentialités touristiques sont grandes : naturelles, culturelles, ethniques... Nous avons une concurrence des pays voisins, mais il existe un accord entre nous pour favoriser une meilleure distribution du flux touristique. En 2007, nos entrées, grâce à ce flux, ont atteint les 5 milliards de dollars. Les provinces sont appelées à améliorer les infrastructures, les conditions d'accueil, de propreté et santé ainsi qu'à étudier les prix pour qu'ils soient compétitifs... surtout que nous avons connu de grandes catastrophes, comme le séisme et le tsunami en 2004 et en 2006, le réveil des volcans à Sumatra en 2007 et l'apparition de la grippe aviaire. Nous avons maîtrisé, grâce à l'aide de l'OMS, cette épidémie. Tous ces événements ont influé sur le tourisme, puisque le nombre des visiteurs a chuté dramatiquement. Pour combler le déficit, nous avons encouragé le tourisme local pour que le secteur ne connaisse pas de faillite, particulièrement à Bali et Djakarta. Nous avons installé un système d'alerte dans la région d'Aceh pour prévenir les tsunamis. Les choses ont repris leur cours naturel. La conférence mondiale sur le changement climatique, qui a eu lieu à Bali, est un signe de reprise de confiance, preuve que l'Indonésie est redevenue une place sûre. Améliorer l'image et reprendre la confiance sont un investissement dur et coûteux.
Quel est le volume des échanges commerciaux entre les deux pays ?
Les échanges entre nos deux pays sont prometteurs. Plus de 60% du café consommé en Algérie sont importés d'Indonésie. L'Algérie importe également de grandes quantités de poudre de lait, de margarine, de bois, de contreplaqué, de tissus, de composants électroniques... Cela dit, il y a un déséquilibre dans la balance commerciale bilatérale en faveur de l'Algérie. L'Indonésie importe de l'Algérie du pétrole, des olives. Nous importons 320 000 barils de pétrole algérien par jour, soit presque 10% de l'ensemble de nos importations quotidiennes. Durant les 9 premiers mois de 2007, l'Algérie a exporté l'équivalent en valeur de 138 millions de dollars.
Ces quantités de pétrole vont-elles augmenter à l'avenir ?
Oui, il y a une possibilité d'acheter plus de pétrole à l'Algérie, compte de tenu de nos grands besoins en énergie. Nous venons d'ailleurs de signer un contrat avec la Libye pour importer plus de 200 000 barils de pétrole par jour. Je souhaite que Sonatrach puisse avoir des projets mixtes en Indonésie et que des investisseurs algériens s'y rendent pour étudier les opportunités d'affaires. Nous venons d'établir un accord avec des opérateurs économiques de Dubai. Pour 1,5 milliard de dollars, l'un d'eux va exploiter une mine de charbon au sud de Sumatra avec une perspective d'exportation. Le groupe émirati Emaar a visité l'Indonésie pour développer un projet touristique. Il en est de même pour le groupe saoudien Ben Laden qui s'intéresse à la construction d'une autoroute. Les Emirats arabes unis et le Qatar sont les principaux investisseurs arabes en Indonésie.
Quels sont les domaines d'investissement existants en Indonésie qui peuvent intéresser les Algériens ?
Je suis en phase d'étude des demandes faites par les investisseurs algériens, même si leur nombre est encore faible. J'ai un programme avec la Chambre de commerce algérienne pour réunir les hommes d'affaires algériens et leur présenter les opportunités d'affaires dans mon pays, où la loi sur l'investissement a été amendée en 2007, rendue plus attractive avec des mesures fiscales et douanières incitatives. Je vais également inviter des hommes d'affaire indonésiens en Algérie et organiser une rencontre avec des opérateurs économiques locaux en collaboration avec la Chambre de commerce. Cette rencontre aura lieu en marge de la réunion de la grande commission mixte algéro-indonésienne prévue en juin 2008, à la faveur de la tenue à Alger de la Foire internationale. Je souhaite une présence massive d'hommes d'affaires indonésiens à cette manifestation. Nous savons que l'Algérie comprend ce que nous avons enduré comme problèmes. Nous avons besoin de beaucoup de pétrole et nous saluons la réponse rapide de l'Algérie dans ce domaine. Nous pouvons développer des projets mixtes dans le secteur de la pétrochimie. L'Indonésie a une grande expérience dans ce secteur. Elle est parmi les premiers pays en Asie. En Afrique, l'Afrique du Sud et l'Algérie sont nos principaux partenaires. Notre relation commerciale avec les autres pays du continent est modeste.
Existe-t-il des opportunités de coopération dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) et de la pêche dans lesquelles l'Indonésie est en avance ? (que l'Indonésie maîtrise).
Il existe un accord sur les NTIC. L'Indonésie possède des satellites. Des pays de l'Asie et du Pacifique ont loué des transpondeurs sur ces satellites. Nous souhaitons que l'Algérie en fasse de même. L'Indonésie fait partie des pays leaders en matière de satellites de communication.Depuis 1985, nous avons œuvré pour connecter toutes les îles du pays au moyen de liaisons satellite. Nous veillons à développer la technologie dans ce domaine. Pour ce qui est du secteur de la pêche, je souhaite renforcer la coopération avec un échange de visites des responsables concernés. A titre d'exemple, les exportations indonésiennes en thon couvrent 30% des besoins de l'Union européenne, 20% de ceux du marché américain et 5% du Japon. Pour nous, la pêche est un secteur stratégique qui se modernise et fait travailler des centaines de milliers de personnes. Nous voulons respecter les normes internationales en la matière.
L'Indonésie est un grand producteur et exportateur de gaz naturel. Comment votre pays perçoit le projet de créer une OPEP du gaz, lancé par l'Iran et soutenu par le Venezuela et l'Iran ?
J'ai rencontré le ministre indonésien de l'Energie à plusieurs reprises. J'ai relevé que l'idée de création d'une OPEP du gaz est toujours au stade la réflexion. Le gaz est devenu un sujet stratégique dans le monde, surtout après la crise entre la Russie et l'Ukraïne. L'Europe dépend grandement du gaz russe. Aujourd'hui que les réserves de pétrole baissent (s'amenuisent), les Etats cherchent d'autres sources d'énergie comme le gaz et les biocarburants. L'Indonésie travaille avec des pays d'Amérique latine, comme l'Equateur, pour développer un carburant à base d'éthanol. Le monde entier est en quête de sources d'énergie alternatives qui respectent l'environnement.
Existe-t-il un intérêt pour l'énergie nucléaire ? Est-ce le fait d'être entouré de nations possédant des bombes atomiques, comme l'Inde et la Chine, est-il une menace ?
L'Indonésie développe actuellement l'énergie atomique pacifique. Nous sommes toujours au stade de la recherche au niveau du centre de Java. Actuellement, nous utilisons la recherche nucléaire dans le domaine de la santé. Il n'existe pas encore d'opportunités pour une coopération avec l'Algérie dans ce secteur. L'Indonésie a œuvré pour la création d'une zone de paix dans le sud-est de l'Asie. Une déclaration de l'Association of Southeast Asian Nations dont le siège est à Djakarta, ndlr ASEAN) a été signée par les pays membres appelant à l'instauration d'une zone libérée des armes nucléaires. L'Indonésie, qui est signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et du Traite pour l'amitié et la paix, ne veut pas se doter d'armes atomiques.
Vous considérez la coopération culturelle comme un axe prioritaire. Pourquoi ?
J'encourage l'initiative prise par le gouvernement indonésien pour établir un accord culturel. La proposition a été transmise au ministère algérien de la Culture. Nous souhaitons qu'elle soit étudiée à la faveur de la tenue de la commission mixte entre les deux pays. Mme Khalida Toumi, que j'ai rencontrée, est intéressée par cette proposition. Nous travaillons pour faire venir à Alger une délégation artistique en juin prochain. Je veux organiser le festival du film indonésien à Alger. J'ai demandé à mes collaborateurs de répertorier les salles de cinéma à Alger pour y programmer des projections. Le cinéma indonésien va être présent au prochain festival de Cannes en France. Il y a une possibilité pour que la délégation qui y participe se déplace en Algérie après.


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