Très bientôt, nous serons à trois mois sans pluie. La sécheresse se met progressivement en place. Les unes après les autres, les parcelles de céréales et de fourrages sont abandonnées par leurs exploitants. Au marché hebdomadaire de Mesra, les prix de cession des bottes –que ce soit de la paille ou des fourrages, dont la qualité est souvent médiocre du fait d'une trop longue conservation dans des conditions déplorables-, enregistrent de véritables records de prix. Ainsi, les bottes de paille qui se vendaient il y a à peine deux semaines entre 80 et 100 DA, viennent d'être cédées entre 130 et 150 DA. Cela correspond à une hausse de plus de 50%. De son coté, le prix du fourrage enregistre une hausse plus conséquente. En effet, selon la qualité du produit, le prix de la balle est passé de 400 à 700 DA, soit presque le double en l'espace de seulement quinze jours. Ces hausses vertigineuses étaient toutefois attendues et redoutées par les éleveurs. Attendues en ce sens que les pluies éparses et totalement inutiles de la semaine dernière avaient fait renaître un maigre espoir chez les éleveurs et les producteurs. Mais, au lieu des pluies bienfaitrices, nous eûmes droit à un insupportable vent d'Ouest qui, en plus de participer efficacement au dessèchement du sol, aura également causé d'énormes dégâts aux jeunes plants maraîchers ainsi qu'à la vigne dont les premiers gros bourgeons annonçaient fièrement la couleur. Dans les endroits les plus exposés, ce seront également les jeunes grappes, encore à l'état embryonnaire, qui subiront les attaques insidieuses du sable. Là aussi, la désillusion risque d'être insurmontable. Dans plusieurs endroits où la situation des champs de blé et d'avoine parait irréversible, ce sont les troupeaux de moutons et de vaches qui envahiront les champs abandonnés par leurs propriétaires. Dans les plaines intérieures, là où la sécheresse est davantage prononcée, ce sont les innombrables troupeaux d'ovidés, venus en masse depuis les hautes plaines steppiques, qui auront convergé sans discontinuer vers les moindres espaces encore disponibles. Ces nomades qui utilisent désormais des camions aménagés pour le transport du bétail, parviennent à se déplacer au rythme des disponibilités fourragères. Les longues et lentes transhumances d'autrefois, qui duraient plusieurs jours, voire plusieurs semaines, s'effectuent désormais à la vitesse de l'éclair. Même les zones traditionnelles d'étiage, comme les marais de la Macta et les terres halophiles des Bordjias, se laissent distancer par des parcelles plus septentrionales. Situation difficile Les terres en pentes, qui sont les plus sensibles à la sécheresse, voient arriver ces hordes où moutons et chèvres se relayent en permanence pour brouter le moindre brin d'herbe encore valide. Alors que depuis bientôt deux semaines, des nuages éparses ne font que passer sur les terres les plus légères, les chétives brindilles peinent à trouver le moindre souffle d'humidité. Les fellahs les plus chanceux n'auront pas hésité à recourir à une irrigation d'appoint qui devrait ralentir le dessèchement des plantes et permettre aux plantes de poursuivre naturellement leur cycle biologique complet. Même si l'opération peut encore paraître dispendieuse, parce que inhabituelle sous nos contrées, les rares agriculteurs qui y ont eu recours savent combien elle peut être bénéfique. Ceux-là sont quasiment assurés d'engranger de précieuses bottes qui leur permettront d'affronter les chaleurs estivales. Quant à se prémunir de la rudesse de l'hiver, ils ne sont pas très nombreux à s'en soucier encore. Car si la situation de sécheresse persistait jusqu'à l'arrivée de l'été, ils seront très nombreux à vouloir se séparer d'une grande partie de leur bétail. Des paysans fort ingénieux n'auront pas hésité à investir les champs de petits poids dont les récoltes relèvent déjà du passé, afin de les transformer en fourrage. Alors qu'habituellement cette culture était soit reconvertie en engrais vert lors d'un enfouissement précoce, soit livrée aux troupeaux de ruminants qui y trouvaient une réelle alternative de pacage.