En dépit des pressions, des intimidations et des menaces, la grève initiée par la coordination nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique et l'intersyndicale de la Fonction publique a été qualifiée de « satisfaisante » par ses animateurs. Troisième action initiée par les syndicats autonomes, le mouvement de débrayage entamé hier a touché tous les secteurs : l'éducation à travers ses trois cycles, l'université, la santé et l'administration. Le taux de suivi de la grève avancé par M. Merabet, porte-parole de la coordination nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique, varie entre 65% et 90%. Ces chiffres diffèrent cependant d'une région à une autre. Pour les praticiens de la santé, la grève a été un succès puisqu'elle a été suivie à hauteur de 90%. A Ouargla, Tiaret, Annaba et dans les villes limitrophes d'Alger, la plupart des hôpitaux ont été paralysés. Idem pour le secteur de l'éducation dont le taux de suivi a atteint au niveau du secondaire les 100% dans de nombreuses wilayas. L'unification des rangs et la dynamique syndicale qui est en train de s'installer en Algérie font apparemment peur aux pouvoirs publics. Sinon comment expliquer que les syndicats autonomes et leurs adhérents aient subi ces derniers jours de nombreuses pressions ayant pour but de les dissuader de mener leur action de protestation. A ce propos, les représentants de syndicats autonomes ont rapporté que « jeudi dernier, une correspondance a été envoyée à tous les représentants des syndicats leur signifiant l'illégalité de la grève et le recours à la ponction sur salaire ainsi que la traduction en conseil de discipline de toutes les personnes qui abandonneront leur poste de travail ». Des agents de l'administration, ajoutent-ils, ont fait du porte à porte pour tenter de dissuader les grévistes de renoncer au débrayage, faute de quoi ils seront sanctionnés et traduits devant les tribunaux. A Sougueur, les éléments d'un corps de sécurité se seraient même rendus dans un lycée demandant les noms de tous les grévistes. Est-ce une démarche réglementaire ? s'est demandé M. Mériane qui regrette un tel comportement. « Si l'on nous considère comme étant des syndicats non représentatifs, si l'on ne pèse pas sur le terrain, pourquoi le pouvoir panique lorsque nous appelons à une grève nationale ? Pourquoi le gouvernement sort tout son arsenal pour nous traquer ? La grève n'est-elle pas un droit ? Dans ce cas, pourquoi le gouvernement refuse-t-il l'ouverture des portes du dialogue ? », s'est interrogé hier M. Merabet lors d'une conférence de presse animée à Alger. L'administration et les ministres de tutelle ont joué, selon le conférencier, leur rôle de casseur d'un mouvement pacifique et ont triché par rapport à la nouvelle grille des salaires rendue publique à la veille du mouvement de protestation. « Le pouvoir via son administration a tenté de démobiliser les manifestants. Le gouvernement veut tout simplement casser le secteur public », a expliqué M. Merabet qui tient à préciser qu'il n'y a pas de démobilisation mais plutôt une répression qui s'abat sur les fonctionnaires, car ils dérangent, pendant que le système politique commence à s'organiser mais dans le mauvais sens. Une démarche, ajoute-t-on, qui risque d'envenimer la situation et de pousser les syndicats à l'extrême. « Nous essayons de contenir et de canaliser la colère des fonctionnaires qui veulent aller vers une action radicale, en l'occurrence une marche grandiose. Si le gouvernement n'assume pas ses responsabilités et s'il continue à nous ignorer et nous dénier le droit d'exister, nous allons investir la rue », menacent les syndicats en tonnant que leur combat est permanent et qu'il continuera tant que les libertés syndicales ne sont pas assises et tant que les syndicats autonomes ne sont pas considérés comme des partenaires sociaux à part entière. « Nous sommes les seuls à porter les revendications des fonctionnaires. Pour défendre ce pays, nous continuerons à aller de l'avant, même si cela va gêner les initiateurs des campagnes pro-pouvoir. Le gouvernement, à notre avis, a intérêt à discuter avec les syndicats autonomes », a souligné Dr Yousfi qui ne comprend pas, en outre, l'attitude de la justice qui consiste à traîner devant les tribunaux les adhérents à la grève à leur insu. Aujourd'hui, les porte-parole des syndicats se rendront au Palais du gouvernement et à l'APN pour demander audience aux responsables de ces institutions.