Boulevard Colonel Amirouche. Un négociant fraîchement installé bichonne amoureusement son magasin. Les vitres sont nettoyées, le parterre brille. Couleurs chatoyantes et gaies. Les alentours, décorés avec de belles plantes vertes, plongeant l'endroit dans une luxuriante atmosphère. L'ardeur chevillée au corps, il cure, restaure sans rechigner à la tâche. Un réflexe assez rare qui confine presque au zèle du néophyte. Le magasin, resplendissant de propreté et de goût, pimpant et coquet comme une jeune mariée, détonne et contraste avec la grisaille ambiante. Il suffit juste de s'éloigner de quelques pas pour tomber dans un autre « univers ». La saleté retrouve ses lettres de noblesse. Envahissante et incontournable. Avec ses poussières, ses murs décrépits, sa chaussée agonisante. Un pli auquel nul ne veut échapper. Tant de soins méticuleux, de gestes sains pour être en phase avec des principes élémentaires d'hygiène et de salubrité réconfortent. Cette « rupture de ban » rassure. Quand on veut, on peut. C'est une exception qui ne confirme pas la règle. Loin s'en faut. Dans cette artère, jadis cossue, prospère et élégante, des habitudes forgées par des années d'insigne passivité, de paresse et de négligence ont fini par avoir raison de son lustre d'antan. Quand on renâcle à la besogne, le chemin qui mène vers la déliquescence est vite trouvé. Moralité de l'histoire : les riverains, les commerçants et même les institutions qui prospèrent dans cette avenue ont devant eux un exemple à suivre et à méditer. La propreté a toujours été une question de tempérament et de volonté. A chacun ses repères et ses mœurs, ses qualités et travers. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Mais il reste tout de même la liberté de jeter son dévolu et d'exprimer une humble reconnaissance à celui qui sait les choisir et les afficher avec doigté et finesse.