Quels styles de musiques et quelles sortes de chansons ont plus de succès en Kabylie à l'heure actuelle ? Les nombreux disquaires et les consommateurs, jeunes et moins jeunes, interrogés, partagent presque le même avis. Les goûts des uns et des autres toutefois diffèrent, mais tous s'entendent pour élire l'universalité en matière d'art musical : « Qu'elle soit occidentale ou orientale, la musique se vend bien en Kabylie, avec un léger avantage pour la chanson kabyle. C'est normal, c'est la sonorité du terroir. Mais l'ensemble fonctionne plutôt bien », dira un disquaire. « Vous savez, il n'y a pas vraiment de préférence aujourd'hui, la variété est devenue un comportement pour beaucoup de consommateurs. On a envie d'entendre autre chose que ce que l'on a l'habitude d'entendre. Mais, il y a une fréquence pour les classiques et les artistes qui ont su marquer leur public. » S'agissant de la chanson kabyle, les disquaires s'entendent pour qualifier avant tout les artistes devenus classiques, ceux dont on ne se lasse jamais, même si certains, comme Aït Menguellet, demandent un effort d'analyse et une capacité de décryptage auquel on ne se résout pas toujours, mais là c'est surtout la beauté du verbe et la profondeur poétique qui emportent ses fans. « Matoub Lounès, Cherif Kheddam, Slimane Azem, El Hasnaoui tiennent toujours le haut du pavé. Ce n'est pas un classement, ça vient comme çà à l'esprit. On peut dire que ce sont les inusables, enfin ceux qu'on appelle les classiques. Pour le reste vous avez par exemple Amour Abdenour, Brahim Tayeb, Hacène Ahrès et j'en oublie. En été, parce que c'est la période des mariages, l'avantage est pour la spéciale fête et le raï en général. Saïd Youcef, Mourad Guerbas, et j'en passe, voilà ce qui est le plus demandé, à côté de la musique techno et orientale », confirme un autre disquaire. Mais pour la génération la plus jeune, elle apprécie plutôt la musique techno : le hip-hop, le rap, la pop, le rock. A rappeler que ce dernier genre musical, a été initié par le groupe Abranis les années 1970. Ils sont considérés comme les précurseurs en la matière. La musique occidentale prend de plus en plus de place dans le goût musical du public mélomane. Eminem's, Diam's,… Le rap, le rock, le blues…, la musique techno électronique, les chansons d'ambiance, de rythme et de danse, fonctionnent de plus en plus. « Pour manifester notre besoin d'ambiance, on préfère le R'N'B ; pour dire notre colère et nos désaccords on va vers le Ra ; pour montrer nos sentiments, on fait confiance aux chanteurs lyriques, français, arabes ou kabyles », dit une collégienne. Une autre collégienne, Tinhinane, dit préfèrer Lorie et Céline Dion… Elle en reprend les chansons, à merveille d'ailleurs, avec le geste et le ton qui conviennent ! Les jeunes ont une culture musicale insoupçonnable. Il suffit de discuter du domaine pour qu'ils déballent des connaissances et des informations qu'on est loin d'imaginer au premier abord. « C'est un phénomène que favorise la télévision, notamment les chaînes étrangères. Les émissions comme Stars Académie ou A la recherche de la nouvelle star ont sûrement un effet décisif sur cette évolution », analyse un disquaire. Le raï occupe également une place chez les jeunes. cheb Bilel, cheb Hasni, chaba Zahouania… pour ne citer que ceux-là, ont également leurs fans, confie le même interlocuteur. Le style gnawi n'est pas en reste, il marche également bien, avec Amazigh Kateb. Chez les professionnels, les raisons de l'évolution du goût musical en Kabylie sont justifiées. Un disquaire de Tizi Ouzou explique : « Vous savez, l'époque a changé d'une certaine manière. Il y a une évolution. Elle n'est pas forcément celle qu'on attendait. La Kabylie s'ouvre aux cultures, aux voix et aux musiques du monde. C'est sans doute cela la mondialisation. »