Chaque année, le Festival de Cannes fait peau neuve. C'est bien de voir que cette année la section Cannes Classics, qui montre les chefs-d'œuvre du cinéma restaurés, a pris encore plus d'ampleur dans les programmes. Cannes Classics 2008 montre à la salle Bunuel Lola Montes de Max Ophuls et le programme est aussi placé sous le signe de Manoel de Oliveira à l'occasion de son centenaire avec le premier film du cinéaste portugais Douro, Fania Fluvial, qui date de 1931. Hommage aussi à Wong Kar Wai avec Ashes of Time tourné en 1994 à Hong Kong. Le programme qui démarre est très alléchant, à commencer par cette œuvre adaptée d'un roman de José Saramago Blindness, film du Brésilien Fernando Meireilles, en ouverture et en compétition officielle. José Saramago, prix Nobel 1998, virtuose de la littérature, a prouvé aussi qu'il était un grand militant humaniste, très engagé politiquement. Il faisait partie du parlement international des écrivains invité par Mahmoud Darwich à Ramallah en 2002, en compagnie notamment de Wole Soyinka, Russel Banks, Bei Dao, Christian Salmon...) et, à cette occasion, il a décrit en des termes bouleversants les conditions de vie des Palestiniens et a parlé d'apartheid pour désigner l'occupation et l'agression israéliennes. Blidness, avec Julianne Moore, a été tourné à Sao Paulo au Brésil. C'est une histoire proche de La Peste d'Albert Camus. Un matin, tous les habitants de la ville se réveillent et constatent qu'ils sont aveugles. Sauf une femme, épouse d'un médecin, jouée par Julianne Moore, à travers le regard de laquelle on voit la catastrophe qui s'abat sur la ville. Dans la même compétition, il y a un petit air de déjà connu, avec notamment les films de Clint Eastwood, les frères Dardenne, Wim Wenders, Steven Soderbergh... Les Belges Dardenne, dans Le Silence de Lorna, montrent les péripéties d'une Albanaise sans papiers qui épouse en Belgique, un junkie pour avoir la citoyenneté. Clint Eastwood filme un kidnapping dans les années 1920, une histoire sans doute proche de Mystic River. Une fiction de 4 h pour reconstituer les faits d'armes de Che Guevara dans Che, de Steven Soderbergh, avec Benicio Del Toro. Dans la ville de Palerme, Wim Wenders invente une histoire où un photographe allemand, joué par Dennis Hopper, tombe dans les filets d'une jolie Palermitane jouée par Giovanna Mezzogiorno. A signaler aussi The Good, the Bad and the Weird du cinéaste sud-coréen Kim Ji woon, un hommage probable à Sergio Leone, où trois aventuriers s'élancent sur les traces d'un trésor caché... Jamais un festival sans un film chinois : à Cannes, en compétition, il y a 24 City de Jia Zhangke (Lion d'Or à la Mostra de Venise en 2006 pour Three Gorges Dam). Son sujet : trois jeunes et belles Pékinoises prises dans les tourmentes de l'urbanisation forcée post-1958. Cette année encore, le Festival de Cannes a établi ses quartiers dans l'immense bunker rose et gris. C'est là et tout autour que le feu des images brûle jour et nuit et que les stars sur le tapis rouge créent chaque soir la panique dans la grande foule. Un peu plus loin de cette Babel-cinéma, sur la Croisette, se tient la Quinzaine des réalisateurs au sous-sol d'un palace cannois, construit à l'endroit même du vieux palais du Festival.