Le comité contre la torture à Genève a formulé vendredi dernier, à l'issue de sa 4e session, plusieurs observations destinées à l'Algérie. Ainsi, en dépit de sa satisfaction concernant certains points, le comité a exprimé sa préoccupation quant au maintien de l'état d'urgence, à l'absence de prise en charge pour les femmes violées par les terroristes et violentées à Hassi Messaoud, et à l'incarcération d'enfants âgés de 16 ans. Ainsi, après dix-huit jours d'examen des rapports de 8 pays, dont l'Algérie, le comité contre la torture, dépendant du Haut commissariat aux droits de l'homme de Genève a achevé vendredi ses travaux, avec l'adoption de plusieurs observations et recommandations pour l'ensemble des pays, inscrits à l'ordre de cette 41e session et qui sont : l'Australie, la Suède, le Costa Rica, l'Indonésie, la Macédoine (ex-République yougoslave), la Zambie et l'Islande. L'Algérie, dont le rapport périodique (le 3e) a été examiné les 2 et 5 mai (avec 8 années de retard), s'est vue notifier une série d'observations sur de nombreux points, même si des « aspects positifs » ont été néanmoins relevés. Le comité s'est d'abord dit préoccupé par la définition « peu spécifique » du terrorisme en notant que ce dernier « ne devrait pas conduire à des interprétations permettant de réprimer, sous le couvert d'actes terroristes, l'expression légitime des droits consacrés par le Pacte relatif aux droits civils et politiques ». Dans ce cadre, il s'est déclaré « préoccupé » par le maintien de l'état d'urgence depuis 1992, mais également par « l'impunité dont bénéficient les groupes armés et les agents de l'Etat, de l'absence d'enquêtes s'agissant des 4000 à 7000 personnes disparues depuis les années 1990 ». A ce sujet, le comité, tout en prenant acte de la reconnaissance par l'Algérie de la disparition forcée de milliers de personnes, il note néanmoins que les chiffres avancés par le gouvernement dans le cadre du recensement des personnes disparues varient entre 4000 et 7000 personnes. De ce fait, il a réitéré son souhait que l'Algérie lui communique « dans les meilleurs délais » la liste des personnes disparues recensées. Des milliers de femmes violées En outre, le comité a exprimé son inquiétude face « aux violences, notamment les violences d'ordre sexuel, perpétrées contre des femmes pendant cette période et demeurées impunies ». Le comité a affirmé avoir reçu des informations faisant état de plusieurs milliers de cas de femmes victimes de viols par des membres des groupes armés en l'absence d'enquêtes, dont les dernières, les poursuites et les condamnations des auteurs pour motif de viol sont absentes, tout comme d'ailleurs il a constaté l'inexistence d'indemnisation et de réadaptation médicale, psychologique et sociale des victimes de ces actes. Tout en prenant note des révisions du code de procédure pénale, le comité a par ailleurs exprimé son inquiétude face aux informations qu'il a reçues, « selon lesquelles la durée légale de la garde à vue (jusqu'à 12 jours) peut être prolongée dans les faits à plusieurs reprises ». De même qu'il s'est dit « inquiet » à propos des « allégations faisant état de l'existence de centres secrets de détention qui échapperaient au contrôle judiciaire, et de l'absence d'informations indiquant que l'autorité judiciaire compétente ait pris des mesures visant à enquêter sur ces allégations ». A propos de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), le comité a estimé préoccupant le manque d'informations disponibles concernant les travaux de cet organisme, et le fait que les membres de ce dernier soient désignés par décret présidentiel. Le comité a déclaré avoir « pris note » que l'ordonnance nº06-01 portant mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale prévoit une amnistie pour les membres des groupes armés et les agents de l'Etat. Des dispositions non conformes Pour ce qui est des membres des groupes armés qui ont bénéficié de l'extinction des poursuites ou d'une diminution de peine, le comité a estimé que « ces dispositions ne sont pas conformes à l'obligation de tout Etat partie de procéder à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout le territoire de sa juridiction, de poursuivre les auteurs de ces actes et d'indemniser les victimes ». Face à cette situation, le comité a appelé l'Algérie à collaborer avec les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme et à autoriser la visite du rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, celle du rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, celle du groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, et celle du rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste. Le comité a en outre relevé des aspects positifs dans le troisième rapport de l'Algérie, examiné lors de cette session. Il s'agit de l'introduction au code pénal de la criminalisation de la torture, la signature de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le moratoire sur la peine de mort déclaré dans l'Etat partie depuis 1993. Le comité s'est déclaré également « réjoui » de l'engagement de l'Algérie pour la « réconciliation nationale ainsi que des déclarations selon lesquelles elle entend continuer à améliorer la promotion et la protection des droits de l'homme ». A signaler enfin que l'Algérie doit présenter au comité son quatrième rapport au plus tard en juin 2012.