Le Comité contre la torture des Nations unies, composé de dix experts indépendants, avait à l'issue de l'examen du troisième rapport périodique de l'Algérie (CAT/C/DZA/3), les 2 et 5 mai 2008, adopté des observations finales. Il y demandait aux autorités algériennes de répondre aux préoccupations du Comité consignées dans les paragraphes 4, 6, 12 et 15 dans un délai d'un an. Le gouvernement algérien, quant à lui, a dès la publication des observations du Comité présenté un document dans lequel il tenait à commenter et éclaircir certains points. À notre connaissance, le gouvernement algérien n'a présenté aucun autre document dans le cadre du suivi des recommandations du Comité. Plus d'un an après la publication des observations par le Comité, notre organisation aimerait dans le cadre du suivi de l'examen attirer l'attention des experts sur des questions en relation avec les recommandations qu'il a émises. 1. Contexte général Après l'interruption en janvier 1992 des élections qui s'était soldées par la victoire du FIS (Front islamique du salut), l'instauration de l'état d'urgence en février 1992, la promulgation de la loi contre la subversion en septembre 1992, les chefs de l'armée ont développé un puissant appareil policier, militaire et paramilitaire, dont le cœur était constitué par les structures de la police politique, la très puissante Sécurité militaire (devenue Département du renseignement et de la sécurité, DRS, en septembre 1990). Dès janvier 1992, le DRS chapeaute et coordonne toute la lutte « antiterroriste » . Cet appareil comporte des ramifications dans tout le pays, dispose de centres disséminés jusque dans les petites localités et contrôle tous les segments de la société. S'ajoute à ces services du DRS, la gendarmerie, la police et les diverses milices créées à partir de 1994 qui toutes lui sont subordonnées. L'organigramme du DRS, malgré son opacité, était mieux connu jusqu'au début des années 2000 qu'il ne l'est à ce jour. Il comporte trois branches. La structure la plus impliquée dans ce que de nombreux observateurs ont appelé la « sale guerre » est la Direction du contre-espionnage (DCE), qui contrôle le Centre principal des opérations (CPO), localisé à Ben-Aknoun dans une caserne appelée « Antar » et chargé des actions illégales du DRS. La DCE dispose également de relais situés dans chacune des six régions militaires, les CTRI, qui joueront un rôle majeur, surtout à partir de 1994, dans les arrestations, tortures et liquidations de dizaines de milliers de civils (dans des assassinats le plus souvent attribués aux islamistes, mais dont beaucoup figurent aujourd'hui sur les listes de « disparus »). Les plus sinistrement célèbres sont ceux de Blida, de Constantine et d'Oran. Le DRS est dirigé depuis septembre 1990 et jusqu'à nos jours par le général-major Mohamed Médiène, dit « Tewfik ». La direction de la DCE était depuis la même date entre les mains du général-major Smaïl Lamari, dit « Smaïn », et ce jusqu'à sa mort le 27 août 2007. Depuis, ce poste n'a pas été attribué officiellement. Alors que les responsables du centre Antar et des CTRI étaient plus ou moins connus, aujourd'hui le secret autour de ces responsables est tel qu'on pourrait presque croire que ces structures n'existent plus. Même si, ces dernières années, la répression n'a plus l'ampleur effroyable de la décennie précédente, elle n'a pas cessé. De nombreux cas d'arrestations arbitraires, de détentions au secret, de tortures et d'exécutions extrajudiciaires en témoignent depuis le début des années 2000. Et surtout, l'appareil répressif mis en place dès 1992 n'a pas été démantelé, la chaîne de commandement responsable des très graves crimes commis n'a pas été dévoilée officiellement, de nombreux responsables sont toujours en poste et ont été promus, les membres des forces de sécurité coupables d'exactions n'ont pas été arrêtés et jugés. Plus grave encore, l'ordonnance d'application de la « Charte sur la paix et la réconciliation nationale », promulguée en février 2006, a établi de facto une amnistie pour ces derniers, puisque son article 45 considère toute plainte contre eux comme non recevable. Et son article 46 stipule que toute personne contredisant la version officielle de la « tragédie nationale » est passible d'une condamnation de 3 à 5 années de prison. En conséquence, aucune enquête n'a été ouverte sur les disparitions forcées dont ont été victimes des milliers de personnes, et sur les massacres des années 1990 pour lesquels de graves soupçons de collusion entre des groupes armés se réclamant de l'islam et des agents du DRS persistent à ce jour. Quant aux anciens membres de groupes armés, cette même ordonnance prévoit que ceux d'entre eux qui se sont rendus coupables de massacres, d'attentats à la bombe ou de viols ne pourront bénéficier des remises de peine consenties à tous les autres. Mais en réalité, le traitement de ceux qu'on nomme les « repentis » est d'une grande opacité. Nombreux sont ceux qui bénéficient d'une impunité totale, alors même qu'ils revendiquent des crimes. Le trouble qui entoure ces personnes est aussi d'un autre ordre. D'aucuns affirment que parmi ces repentis figurent de nombreux agents du DRS qui avaient été infiltrés dans les groupes et qui ont ainsi pu être réhabilités et revenir à la vie civile. D'autres expliquent que sans collaboration avec les services de sécurité, un « repenti » ne peut bénéficier d'une quelconque faveur. S'ajoute à cela le faisceau d'indices troublants sur l'implication des services de renseignements dans les activités des groupes armés. Qu'il s'agisse de certains Groupes islamiques armés dans les années 1990, de fractions du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) ou de groupes présentés comme faisant partie de la nébuleuse d'Al-Qaida du Maghreb islamique, de nombreux éléments attestent du rôle obscur joué par les services secrets algériens . Tant que les autorités ne permettront pas un fonctionnement indépendant de la justice et n'engageront pas des enquêtes crédibles sur les massacres, les allégations de l'implication des services du DRS dans les graves crimes commis ces quinze dernières années subsisteront. Et l'avenir d'une véritable réconciliation entre Algériens et entre Algériens et les institutions de l'Etat restera hypothéqué. Nous rappelons que lors de « la décennie de sang » (1992-2002 et même au-delà) entre 150 000 et 200 000 personnes ont péri, des dizaines de milliers ont été blessés, des centaines de milliers d'enfants ont perdu un ou deux parents, plus d'un million ont fui à l'intérieur et l'extérieur du pays, etc. 2. Définition du terrorisme et état d'urgence La définition du terrorisme contenue dans le Code pénal algérien n'a pas été modifiée ni même discutée depuis 2008. Elle a été formulée dans la loi antiterroriste promulguée en septembre 1992 et a été reprise dans le Code pénal en février 1995. Par ailleurs, la Constitution du 28 Novembre 1996 (article 91) prévoit que la durée de l'état d'urgence ou de l'état de siège ne peut être prorogée qu'après approbation du Parlement. Instauré en février 1992, il devait durer un an. Il a été maintenu une année supplémentaire. Mais depuis, sans avoir jamais été prorogé de jure , il a été maintenu de facto et régulièrement justifié par le pouvoir. Il permet notamment aux autorités d'interdire les marches et manifestations pacifiques. Les autorités justifient son maintien par la menace terroriste. Dans les commentaires du gouvernement algérien sur les observations finales du Comité contre la torture (CAT/C/DZA/CO3), il est ainsi noté que le double attentat du 11 décembre 2007 est la parfaite illustration que cette menace est toujours d'actualité. Rappelons que de nombreux pays, parmi lesquels la France, le Royaume-Uni, l'Espagne, ont également été frappés par des attentats terroristes, sans que leur gouvernement ait pour autant instauré d'état d'urgence. Cet argument est d'autant plus fallacieux que ce sont les autorités elles-mêmes qui annoncent régulièrement la fin du terrorisme. En réalité, les dispositions de ce décret qui est caduc depuis plus de quinze ans tout en étant toujours appliqué servent surtout à réprimer toute opposition politique. Les représentants du gouvernement prétendent qu'aucune activité partisane et associative n'est entravée par l'existence de l'état d'urgence, or dans les faits, les seules manifestations tolérées sont celles de formations proches des sphères de l'Etat. Toutes les personnes ou associations engagées pour le changement, pour la défense des droits de l'homme, toute véritable opposition ont été confrontées aux interdits imposés par les autorités. Interrogé en mars 2007 à propos de l'interdiction de manifestations publiques, M. Ould Kablia, ministre délégué chargé des collectivités locales, répondait : « La situation sécuritaire étant ce qu'elle est, nous ne pouvons pas changer quoi que ce soit, parce qu'il y a une relation étroite entre manifestations et sécurité. Certains demandent la levée de l'état d'urgence. Dans ce cas, le wali ne pourrait pas réquisitionner la gendarmerie ou l'armée suite à un attentat ou la présence d'une bombe dans un coin. Cela veut dire que les services de sécurité prendront leurs ordres au niveau de leurs structures et non de la part du représentant de l'Etat qui est le wali . » Le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, Mustapha Bouchachi, a déclaré quant à lui en mars 2008 : « Cette situation donne la possibilité de brimer les libertés individuelles et syndicales. [Le gouvernement] s'octroie le droit d'organiser des manifestations lorsque cela l'arrange, mais brandit l'état d'urgence dès que c'est la société civile qui veut s'exprimer . » Au moment de l'agression israélienne sur Gaza en décembre 2008-janvier 2009, les manifestations de soutien aux Palestiniens ont ainsi été interdites dans la rue. Bravant l'interdiction, de nombreux rassemblements ont été organisés et brutalement réprimés par les forces de l'ordre, comme la grande manifestation qui s'est déroulée à Alger le 9 janvier 2009. Le maintien de l'état d'urgence favorise des violations des droits de l'homme dans un climat d'impunité. 3. Les centres secrets de détention Les autorités persistent à nier l'existence de centres où sont détenus des suspects au secret, en particulier ceux sous le contrôle du DRS. La délégation auprès de l'ONU prétend que les « auteurs de telles allégations n'ont jamais pu fournir […] des dossiers documentés ». Ne serait-ce pas plutôt à la justice algérienne d'accepter les plaintes déposées par les victimes de la torture et d'engager des enquêtes ? Nous rappelons que de nombreux témoignages font état de pressions exercées par des agents du DRS sur des personnes arrêtées par les forces de sécurité afin que celles-ci n'abordent pas devant les magistrats la question de la torture subie en détention. Elles sont souvent contraintes à signer une déclaration attestant du « bon traitement » reçu pendant la garde à vue. Lorsqu'elles ont le courage de se plaindre devant le juge des tortures subies, celui-ci n'engage pas d'enquête, plus grave encore, les « aveux » soutirés sous la torture sont utilisés lors du procès. Plusieurs exemples attestant de ces pratiques ont été transmis aux organes de l'ONU. Avec l'organisation Alkarama, Algeria-Watch a par exemple attiré l'attention des experts de l'ONU sur le cas de Mounir Hammouche, arrêté le 23 décembre 2006 et détenu dans le centre du DRS (CTRI) de Constantine où il est décédé des suites des tortures. À ce jour, malgré les innombrables démarches de la famille, celle-ci n'a pas eu accès au rapport d'autopsie officiel. Mais la torture n'est pas uniquement pratiquée dans les centres du DRS. Elle est employée aussi dans les commissariats et les prisons aussi. Les victimes ont encore moins la possibilité de se plaindre, étant totalement à la merci de leurs geôliers. Le 18 février 2008, à la prison d'El-Harrach, des détenus ont été extraits de leur salle afin d'y installer des lits superposés à l'endroit prévu pour la prière. En guise de protestation, ces derniers ont refusé de réintégrer la salle. En guise de punition, ils ont été attachés, menottés, mis à nu et battus avec des barres de fer. Lors d'expéditions punitives à la suite de mouvements de protestation, les forces de l'ordre matent les manifestants en les insultant, humiliant, battant et torturant. Les ONG avaient déjà rapporté dans les années précédentes plusieurs exemples de ce type (Kabylie en 2001, T'kout en 2004). Dans le cadre du suivi des recommandations du Comité des droits de l'homme des Nations unies, Algeria-Watch a soumis à ce dernier en décembre 2008 un rapport dans lequel elle rapportait les cas d'Amari Saïfi ( alias Abderrazak El Para) et de Hassan Hattab, deux anciens dirigeants du GSPC que les autorités déclarent détenir, respectivement depuis 2004 et 2007, mais qui ont fait l'objet depuis de plusieurs jugements par contumace . Ils ouvaient donc être considérés comme ayant disparu. Rappelons que Amari Saïfi est accusé d'avoir organisé l'enlèvement de touristes européens en 2003 au sud de l'Algérie. À la veille de l'élection présidentielle d'avril 2009, tous deux se sont manifestés pour enjoindre leurs anciens compagnons d'armes de renoncer à lutte armée et d'accepter la politique de réconciliation nationale. Alors que le message de Hassan Hattab a été diffusé par une vidéo, Amari Saïfi, lui, a transmis un message écrit. Nous continuons donc de demander où sont détenues ces deux personnes et quand elles seront jugées dans un procès équitable et public. Les déclarations que peuvent faire ces deux hommes sont cruciales pour comprendre leur rôle dans le GSPC, une organisation dont la collusion avec le DRS est très probable. La presse algérienne se fait régulièrement l'écho des interrogations sur le sort de ces deux personnes, rapportant par exemple, en juin 2009, les étranges propos d'un haut responsable de la Gendarmerie nationale, selon lequel Hattab et Saïfi « sont sous contrôle judiciaire et non pas sous mandat de dépôt ». Le gouvernement algérien continue à nier la torture et la détention au secret, comme d'ailleurs les autres violations des droits humains (exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées). Et quand il doit répondre à des témoignages précis d'exactions commises par les forces de sécurité, il prétend qu'il s'agit de cas individuels isolés et, surtout, que ces dépassements sont sanctionnés. Alors qu'en réalité, les plaintes de victimes ne sont pratiquement jamais prises en compte. Comme on l'a vu, l'ordonnance d'application de la « Charte pour la paix et la réconciliation » décrète qu'« aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l'encontre des éléments des forces de défense et de sécurité » pour des crimes commis avant son adoption, et que « toute dénonciation ou plainte doit être déclarée irrecevable par l'autorité judiciaire compétente » (article 45). En réalité, les plaintes pour des violations commises après son adoption ne sont pas prises en compte non plus. 4. Les disparitions forcées Sur ce dossier, aucune avancée n'a été enregistrée depuis mai 2008. Il est toutefois important de relever lors d'une rencontre à Genève à laquelle ont participé des membres de l'institution nationale des droits de l'homme (la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, CNCPPDH ) en mars 2009, un de ses membres a indiqué que 8023 disparus avaient entre temps été recensés, alors que par le passé, il était question officiellement de 6 146 cas. Il faut même constater une régression dans la reconnaissance du phénomène de « disparition forcée » par les autorités algériennes. Si elles ont toujours entretenu la confusion au sujet des responsabilités, en 2005, par le biais de la CNCPPDH, l'implication d'agents de l'Etat était tout de même reconnue pour certains cas d'enlèvement suivi de disparition, tout en insistant sur le caractère isolé de cette violation. Aujourd'hui, les autorités algériennes n'évoquent plus du tout cette possibilité et affirment que nombre de disparus seraient en réalité des personnes entrées dans la clandestinité pour intégrer les groupes armés, ou ayant été arrêtées mais relâchées avant de rejoindre la clandestinité, ou encore ayant fui vers l'étranger, voire ayant été enlevées par des groupes armés . Pourtant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées donne une définition précise de la disparition forcée dans son article 2 : « Aux fins de la présente Convention, on entend par “disparition forcée” l'arrestation, la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l'Etat ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'Etat, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi. » En Algérie, des milliers de personnes disparues ont été arrêtées par des forces de l'ordre ou des formations placées sous l'autorité de l'Etat, telles les Gardes communales ou les Groupes de légitime défense. Les déclarations du président de la République dès 1999, puis d'autres responsables par la suite, avaient suscité un grand espoir chez les familles des disparus et les défenseurs des droits de l'homme : ils attendaient que des mesures appropriées soient enfin engagées pour mener des enquêtes indépendantes dévoilant la vérité sur ces crimes, poursuivre les responsables et indemniser les familles en raison de l'injustice commise envers les victimes. Mais l'ordonnance d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale de février 2006, présentée comme un processus de « justice transitionnelle », est en réalité un texte destiné à clore définitivement le dossier. Les familles de disparus ne sont indemnisées que si elles reconnaissent elles-mêmes le décès de leurs parents. Elles sont sommées de signer des déclarations dans lesquelles elles confirment que ces derniers avaient rejoint les groupes armés ou ont été tués lors d'accrochages avec les forces de l'ordre. Si elles persistent à vouloir déclencher une procédure judiciaire, l'article 45 de l'ordonnance est cité par le parquet. Le président de la République avait installé en 2003 une commission devant lui remettre un rapport sur la question des disparitions forcées. Ce rapport n'a toujours pas été rendu public six ans plus tard, malgré les incessantes demandes des organes de l'ONU, des défenseurs des droits de l'homme et des familles. Jusqu'à ce jour, aucune liste de victimes n'a été publiée officiellement. Les seules listes existantes sont celles établies par les ONG, dont celle d'Algeria-Watch où figurent environ 4 000 cas. 5. L'absence d'enquêtes, de poursuites judiciaires dans les cas de viols Le Comité a constaté que malgré l'ampleur des viols commis par des membres de groupes armés se réclamant de l'islam, la justice n'a pas mené d'enquêtes ni jugé les responsables. Rappelons que l'ordonnance de 2006 précitée exclut l'extinction de l'action publique à l'encontre de ceux qui ont commis le crime de viol. Le gouvernement, dans son commentaire aux recommandations du Comité, évite ce sujet. Il traite bien dans un paragraphe des violences contre les femmes, mais occulte totalement les crimes de viol commis durant les années 1990 et l'impunité dont bénéficient leurs responsables. Etant donné la sensibilité du sujet, il est très difficile de connaître le nombre de femmes victimes. Il est communément question de plusieurs milliers de filles et de femmes ayant subi cette violence. Il faut rappeler que de nombreuses femmes ont été enlevées par les groupes armés et maintenues en état d'esclavage sexuel pendant des mois, voire des années. Des enfants sont nés de ces viols. L'Etat porte la responsabilité pour ces femmes qui souvent sont rejetées par leurs familles en raison du viol. Tout comme il est responsable pour leurs enfants. Or, ni elles ni leurs enfants ne sont suivis psychologiquement, ni indemnisés par des structures de l'Etat. Rappelons aussi que les viols ne sont pas le seul fait de membres des groupes armés. Ceux des forces de sécurité ont également commis des viols à grande échelle lors de ratissages et de perquisitions de domiciles, de gardes à vue et de détentions au secret, ou encore comme méthode de torture. 6. Conclusion Bien que ce point n'ait pas été abordé par le Comité, nous tenons à l'informer du fait que dans l'année écoulée, ni Malik Medjnoun ni Abdelhakim Chenoui (cas portés à la connaissance du Comité notamment par le rapporteur spécial sur la torture ), tous deux accusés d'avoir participé à l'assassinat du célèbre chanteur Lounès Matoub en juin 1998, n'ont été jugés. Ils sont détenus arbitrairement depuis plus de dix ans. En conclusion, nous voulons attirer l'attention des experts du Comité sur le manque de coopération des autorités algériennes avec les organes constitués par les divers traités et conventions de l'ONU sur la protection des droits humains et des droits politiques, civils et sociaux. Le rapporteur spécial sur la torture demande depuis 1997 l'autorisation à se rendre en Algérie. De surcroît, non seulement les dispositions de ces textes n'ont pas été suivies de mesures concrètes d'application, mais elles n'ont pas été portées à la connaissance des Algériennes et Algériens. 1. Voir Salima Mellah , Le Mouvement islamiste algérien entre autonomie et manipulation , Comité Justice pour l'Algérie, mai 2004, http://www.algerie-tpp.org/tpp/pdf/dossier_19_mvt_islamiste.pdf ; François Gèze et Salima Mellah , « Al-Qaida au Maghreb », ou la très étrange histoire du GSPC algérien », 22 septembre 2007, http://www.algeria-watch.org/fr/aw/gspc_etrange_histoire.htm . 2. Liberté , 15 mars 2007. 3. Le Soir d'Algérie , 4 mars 2008. 4. Algeria-Watch , Rapport présenté au Comité des droits de l'homme dans le cadre du suivi de ses recommandation : « Où sont passés Hassan Hattab et Amari Saïfi ( alias Abderrezak El Para) ? », 20 décembre 2008, http://www.algeria-watch.org/fr/aw/cdh_suivi.htm . 5. « Hassan Hattab est sous contrôle judiciaire », L'Expression , 25 juin 2009. 6. Voir le commentaire de la délégation algérienne aux observations finales du CAT. 7. Voir son rapport pour la 59ème Session de la Commission des droits de l'homme 17 mars-25 avril 2003 (E/CN.4/2003/68/Add.1).