Nadia A. K., 44 ans, médecin et mère de trois enfants, a écopé hier de six ans de prison ferme pour avoir tué à l'arme blanche, le 23 juin 2002, l'ancien commandant du DRS à Tizi Ouzou, le colonel Rachid. Le tribunal criminel a requalifié le chef d'accusation d'homicide volontaire en « coups et blessures ayant entraîné la mort », et retenu les circonstances atténuantes. Le représentant du ministère public avait demandé, à l'issue de son réquisitoire, la peine de mort à l'encontre de l'accusée, précisant que c'est la seule peine fixée dans les dispositions de loi relatives à l'homicide. Les avocats de la défense, qui espéraient la libération de leur cliente, en détention depuis 30 mois, n'étaient pas satisfaits de la décision de la cour. Ce bout de femme de 1 m 60, voix fluette, cheveux teints et engoncée dans un blouson de cuir a été capable un jour de juin 2002 de planter un couteau de cuisine dans le cou d'un colonel du DRS. « Il voulait me violer, je me suis défendue », a-t-elle dit à la barre, d'une voix à peine audible. Elle a transpercé la veine jugulaire de l'officier qui était physiquement diminué. Un avocat de la défense a signalé qu'une bouteille d'alcool à moitié vide a été retrouvée dans le domicile du colonel. Comment s'est-elle retrouvée chez lui ? « Deux hommes se sont rendus, ce jour-là, à mon travail et m'ont dit que le colonel Rachid voulait me voir. L'un d'eux m'a montré un pistolet », a-t-elle déclaré. Elle prend un taxi des Ouadhias, où elle travaillait dans une clinique, et se rend à Tizi Ouzou. « Je voulais seulement venir pour lui dire d'arrêter ses pressions et de me laisser tranquille. Il a voulu utiliser la force et je me suis défendue. Je n'avais aucune intention de le tuer », dira l'accusée. Le lendemain, le 24 juin 2002, elle se rend en compagnie de son mari chez ses parents à Bouira et ira se présenter aux autorités militaires de Blida. C'est là qu'elle apprendra la mort du colonel. Les avocats souligneront ce fait pour récuser la préméditation ou même l'acte volontaire défendu par l'accusation. Ils s'interrogeront également sur la contradiction entre le rapport d'autopsie mentionnant 32 coups de couteau et les premières constatations relevées par les enquêteurs ayant fait état de 3 coups uniquement. Pas de réponse à ce sujet. Me Aït Larbi relèvera également que l'instruction n'est pas parvenue à remonter aux deux individus qui sont allés voir le médecin sur son lieu de travail et lui intimer de venir à Tizi Ouzou. L'audience a montré que les rapports entre les deux protagonistes de l'affaire remontent à 1994. Cela a commencé par la rencontre entre l'officier et l'époux de l'accusée. L'audition de ce dernier devant le tribunal a été pathétique. « Au début, il m'a proposé de me trouver un poste de directeur d'une entreprise située au Sud. Mais cela ne s'est pas concrétisé. Il s'est un jour invité chez nous et tous les problèmes ont commencé », a-t-il dit. Le mari recevra des lettres et des photos qui avaient pour but, dira le mari, de l'amener au divorce. « On avait décidé de tout vendre et de partir en exil », lance l'époux, architecte de son état. Au retour de sa femme de France, en 1999, le « harcèlement » reprend. « Pourquoi n'avez-vous pas déposé plainte ? » demande le juge. « J'avais peur, Monsieur le président », répond l'homme. Dans sa plaidoirie, Me Mokrane Aït Larbi a lancé, en parlant de sa cliente : « C'est une femme active comme toutes les autres. Ce qui lui est arrivé peut arriver à la femme de chacun de nous tous, car malheureusement, certains considèrent encore qu'une femme qui travaille n'est qu'un objet sexuel. »