Les journalistes méditerranéens sont partagés sur les objectifs du projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM). Tout dépend de la zone géographique et de la perception stratégique d'une initiative censée fédérer les intérêts des peuples de la mer du milieu. Sibylle Rizk, rédactrice en chef du mensuel libanais Commerce du levant, estime que l'UPM concerne surtout le Maghreb. « Il n'appartient qu'au Liban de saisir l'occasion de cette initiative s'il y a de grands projets qui concernent tout le monde. Un pays comme le Liban doit en profiter d'une façon comme d'une autre, bénéficier de l'expertise européenne, s'intéresser à ses voisins pour créer des synergies dans le domaine technique et commercial, etc. », note-t-elle. Les pays du Sud doivent, selon elle, commencer à discuter entre eux et s'intéresser à ces projets pour pouvoir se les approprier. « La dépollution de la Méditerranée et les routes maritimes intéressent au plus haut point mon pays. Le Liban, qui a besoin d'investissements, n'a pas attendu l'UE pour être un pays relativement ouvert », appuie-t-elle. Aux yeux de Patricia Viegas, journaliste au quotidien portugais Diario de Noticias, l'UPM sera un grand projet s'il fonctionne. « Il faut, dans une première étape, résoudre les problèmes politiques et les conflits dans le Sud. Le Portugal a beaucoup d'intérêts dans cette zone. Des entreprises portugaises y sont présentes et cherchent à investir davantage », relève-t-elle, soulignant les excellentes relations du Portugal avec le Maroc et l'Algérie. D'après elle, le processus de Barcelone est toujours perçu comme un partenariat où une partie donne de l'argent et une autre l'utilise (programmes Méda, entre autres). « Pas de projets, pas d'échanges », appuie-t-elle. Au Maroc, le citoyen lambda n'est pas au courant du projet de l'UPM, selon Driss Regragui, rédacteur en chef à Radio Rabat Chaîne Inter. « Au- delà du 13 juillet, il va falloir qu'il y ait un véritable travail médiatique pour expliquer cette initiative pour que la population fasse la différence entre ce que fait l'UE pour le Maroc et les projets dont on n'arrête pas de nous parler », dit-il. La population y croira, d'après lui, qu'une fois les projets lancés, comme les routes, l'électrification rurale et la distribution de l'eau potable. Gianna Fregonara, journaliste au quotidien italien Corriere Della Sera, relève que l'Italie a des rapports solides avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. « C'est notre bassin naturel », précise-t-elle. « Socle économique » Elle rappelle que l'Italie est engagée dans le projet de l'UPM, dans la politique de voisinage européenne (PEV) et dans le processus de Barcelone. « Au départ, il y avait une incompréhension avec les Français sur le sens de l'UPM. On ne savait pas si le projet était français ou européen. Pour nous, il fallait créer un consensus européen sur cette initiative, faire quelque chose ensemble en Méditerranée. Il fallait s'entendre donc sur la manière de le décider », explique-t-elle. Réserves et doutes au départ en Egypte également, selon Salama Ahmed Salama, éditorialiste au quotidien Al Ahram. « Surtout qu'il allait modifier le processus de Barcelone, lequel bénéficiait à certains pays. Après les explications fournies par Nicolas Sarkzoy, l'Egypte a changé sa position et est prête à adhérer au projet pour plusieurs raisons », précise-t-il. Il explique que l'Egypte ne peut pas attendre éternellement le développement réel de la coopération entre les pays arabes de la Méditerranée compte tenu des différends qui existent. « Il est apparu du point de vue égyptien qu'il est préférable d'adhérer au projet de l'UPM s'il est basé sur un socle économique et des projets mixtes visant à améliorer l'environnement dans la Méditerranée. C'est mieux que de laisser les choses en l'état. Et cela peut être un début pour un changement politique », souligne-t-il. La Grèce est, elle, prête à apporter son bagage identitaire et culturel au projet de l'UPM, de l'avis de Tridafilos Stangos, rédacteur en chef de la chaîne de télévision publique NET. « L'approche française d'élaborer l'UPM autour de projets concrets est la seule qui peut fonctionner. Il y a des problèmes politiques en Méditerranée orientale qui compliquent la tâche, mais il n'empêche que c'est quelque chose qu'il faut faire. Il y a aussi la question de l'unité de la rive sud de la Méditerranée. Il faut sauver l'écologie de la Méditerranée. Le tourisme est une industrie colossale pour nos pays. Il faut préserver cela à tout prix », estime-t-il. L'option UPM souligne, selon lui, la faillite du processus de Barcelone. Point de vue partagé par Soufiane Ben Farhat, rédacteur en chef du quotidien tunisien La Presse. « Les Tunisiens, dans leur majorité, n'apprécient pas le processus de Barcelone qui a réservé beaucoup de déceptions au-delà des espoirs qu'il a suscités. Il va de soi qu'il y a eu quelques réalisations somme toute partielles. Mais ce n'est pas ce qu'on attendait », relève-t-il. Si l'initiative de l'UPM a une bonne perception en Tunisie, elle est vue, d'après lui, de différente manière par les autorités, les opérateurs économiques ou l'opinion publique. « Lorsqu'on est passé de l'Union de la Méditerranée vers l'Union pour la Méditerranée, beaucoup se sont dits en Tunisie qu'on n'est pas sortis de l'auberge. On va réitérer une expérience qui a failli. Les Tunisiens seraient davantage enthousiastes si l'on réhabilitait le cadre du 5+5. C'est plus intéressant. L'UPM est un projet volontariste. Wait and see donc », note-t-il.