L'objectif de ma thèse de doctorat est de comprendre le comportement technique de l'artisan, de prouver les intentions de l'homme. Du choix de la matière première sur laquelle ont été taillés les outils, en passant par toutes les étapes de fabrication, jusqu'à l'usure et à l'abandon. » Quand elle marche dans le désert, en particulier dans le parc national de l'Ahaggar, Messaouda Benmessaoud, a souvent le nez par terre. Elle gratouille, elle frotte, elle ramasse. A la recherche de drôles de cailloux appelés « galets aménagés ». Des galets que l'homme a taillés, en enlevant un ou plusieurs éclats sur une seule face (chopper), ou sur deux faces (chopping tools). Ces outils sont généralement attribués au paléolithique inférieur, la première période de la préhistoire, marquée par l'apparition de l'homme en Afrique (entre 3 et 2,5 millions d'années jusqu'à environ 300 000 ans). « A chaque grande époque préhistorique correspond une famille d'outils », rappelle-t-elle. Le biface caractérise l'époque du paléolithique inférieur. Les outils laminaires (des lames retouchées) et lamellaires (lamelles retouchées), caractérisent l'époque du paléolithique moyen et supérieur. Enfin, les pointes de flèche sont attribuées au néolithique. A chaque époque existent ensuite plusieurs faciès culturels, qui, à leur tour, sont caractérisés par un outil précis appartenant à une variété d'outils. » La pointe bifaciale à pédoncule est par exemple typique de l'Atérien saharien. Le burin ou « bec de perroquet » est du magdalénien. Les plus anciens galets datés en Afrique orientale remontent à plus de 2 millions d'années. « La tracéologie étude des microtraces que laisse sur un outil le matériau travaillé a permis de donner une idée sur la fonction à laquelle ont été destinés les galets aménagés : souvent à couper des branches, à casser les os et aussi à racler le cuir. » Bien sûr, l'étude de l'industrie lithique exige des fouilles et des études géologiques. Messaouda consacre donc une partie de sa thèse à la géologie et au volcanisme de la région d'Ideles. « Car, peut-être, le contexte géologique, avec l'étude de la flore (si elle bien conservée) ou de la faune (fossiles d'animaux) dans lequel se trouve le site peut nous fournir des indications chronologiques. » Un site archéologique peut être attribué à une époque, à un faciès culturel, mais pas à un temps précis si on n'a pas d'arguments suffisants pour le prouver. C'est pour cette raison que l'étude technologique a été adoptée, pour plus étudier les méthodes et les techniques qui, seules, peuvent apporter des éléments sur les capacités cognitives de l'homme et peut-être sur sa capacité crânienne, puis sur sa généalogie. On sait que les galets aménagés sont bien représentés en Afrique du Nord, en Algérie en particulier, à Aïn Hanech (Tébessa). Dans le Sahara, au gisement de Tan Kena (Illizi) et aussi à Aoulef et Reggane (Adrar). « Malheureusement, la recherche en Algérie concernant la préhistoire va au ralenti, souligne Messaouda. Le dernier article que j'ai lu dans une revue française de 2006 porte sur des données concernant le site Errayah à Mostaganem, qui renferme deux niveaux archéologiques riches en industrie lithique : un niveau acheuléen (paléolithique inférieur) et un niveau paléolithique moyen. Un autre article, dans la même revue parle du le site Acheuléen de Aïn Hanech, le plus célèbre et le plus étudié et qui est même daté. Mais en Algérie, nous ne disposons pas de publications récentes, et les derniers chantiers de fouilles avec publication datent des années 1980. »