La Bibliothèque nationale d'Algérie (BNA) à Alger abrite, depuis samedi dernier, une exposition de photos d'archives prises par le reporter-photographe français, Elie Kagan. Initiée par la BNA en partenariat avec la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) et en collaboration avec la revue Naqd, cette exposition, qui s'étend jusqu'au 6 du mois en cours est consacrée à « Algérie 1963 : l'an 1 de l'indépendance ». Elle comprend trente photos, lesquelles ne représentent qu'une partie des vues prises par Elie Kagan, lors de son séjour d'une année en Algérie, entamé les premiers mois de l'indépendance. Durant ce séjour, il sillonne l'ensemble du territoire national et travaille comme reporter-photographe à la revue Révolution Africaine, dirigée à l'époque par Jacques Vergès. Les trente photos exposées sont prises à l'ouest, au sud-ouest et au centre du pays. Elles mettent en lumière les séquelles du colonialisme français, l'Algérie colonisée et l'espoir qui anime le peuple algérien durant la première année de l'indépendance. Un travail de mémoire à dimension politique et sociale. Rencontrée en marge de l'exposition, la responsable de l'audiovisuel au niveau de la BDIC, Mme Rosa Almos, relève qu'Elie Kagan est un « des rares reporters-photographes à s'intéresser à l'Algérie, juste après l'indépendance. Il se consacre à divers thèmes, dont les aspects sociaux et politiques de la France coloniale et contemporaine et à l'Algérie, où il a vécu une année. Après sa mort, sa famille nous a remis, comme il l'avait souhaité, la totalité de ses archives photographiques où on compte environ 200 000 vues ». De son côté, l'historien et directeur de la revue Naqd, Daho Djerbal, indique que : « la mémoire et l'histoire ont toujours tourné autour des souffrances du peuple algérien, à savoir, la torture, la répression, la prison. Sortons des prisons de la répression et pour une fois, parlons de paix. Que faire de notre liberté ? Comment bâtir une Algérie nouvelle ? Serons-nous fidèles au message de nos martyrs. Message qui consiste à éliminer l'exploitation de l'homme par l'homme et à construire un pays de justice sociale. » Le journaliste, Georges Chatain, qui a travaillé avec Elie Kagan durant cette année 1963 à Révolution Africaine écrit à propos du reporter-photographe : « Il avait fallu une tragédie, l'acharnement répressif de la police le 17 octobre 1961 pour que l'évidence s'impose : Elie Kagan était bien un vrai professionnel du photo-journalisme, le seul à avoir couvert cet événement et qui avait pris tous les risques pour récolter et imposer les images d'une barbarie d'Etat que personne ne voulait voir. Son cliché d'un Algérien, blessé au bras et pleurant de douleur dans une station de métro, est devenu aujourd'hui un document classique. Cette série de photographies est une page d'histoire ». En débarquant en Algérie,« nous avions le sentiment en venant non pas d'y avoir été pour quelque chose, mais au moins d'avoir été en toute modestie les gardiens d'une idée honorable de la France, que la France officielle avait mise à la poubelle ». Néanmoins : « Cela n'a pas duré longtemps. L'illusion lyrique que nous partagions avec beaucoup d'amis algériens s'est vite heurtée à toutes les pesanteurs d'une société déchirée, aux rivalités de pouvoirs, à tous les complots et toutes les machinations (...) De l'Algérie rêvée d'alors à l'Algérie réelle d'aujourd'hui, il n'y a plus rien de commun. » Notons qu'Elie Kagan est né à Paris en 1928, de parents juifs-polonais. Reporter-photographe indépendant, il est témoin de nombreux mouvements sociaux et politiques des années soixante et soixante-dix. La manifestation du 17 octobre 1960, organisée à Paris par le FLN, laquelle est réprimée dans le sang sur l'ordre de Maurice Papon, consacre sa notoriété.Son témoignage photographique sur cet événement met en lumière l'étendue de la répression policière coloniale.