C'est véritablement l'épreuve du terrain pour l'ONU avec sa mission dans la Corne de l'Afrique, armée de ses seules résolutions. Elle constatera immanquablement la triste réalité, mais aussi la complexité de certaines situations mal rapportées par certaines résolutions. C'est le cas de la Somalie en guerre civile depuis la chute en 1991 du régime de Siad Barré. C'est aussi le Tchad qui vit dans la précarité et plus précisément dans la crainte de nouvelles offensives de la rébellion. Ou alors le Soudan voisin, l'un et l'autre s'accusant mutuellement d'abriter et de manipuler l'opposition de l'autre. Un jeu dangereux puisqu'il est à l'origine de nombreuses tragédies. Il est donc intéressant de suivre la mission des Nations unies, s'agissant d'éprouver les mécanismes dégagés pour régler certains conflits. D'autres attendront. L'imbroglio somalien Le président Abdullahi Yusuf Ahmed a lié le retrait de Somalie des troupes de son allié éthiopien au déploiement d'une force de paix onusienne, devant les membres du Conseil de sécurité des Nations unies venus, lundi dernier à Djibouti, encourager le dialogue intersomalien. « Il faut rappeler que la présence de troupes éthiopiennes en Somalie est intervenue sur la base d'un accord entre l'Ethiopie et la Somalie, avec l'approbation du Parlement fédéral de transition », a déclaré M. Yusuf. « C'est pourquoi, l'éventuel retrait des troupes éthiopiennes de Somalie dépend du déploiement d'une force d'imposition de la paix des Nations unies et de la cessation des hostilités », a-t-il souligné. « Je voudrais dire très clairement qu'il ne doit pas y avoir de vide sécuritaire en Somalie », a-t-il ajouté. L'Alliance pour une nouvelle libération de la Somalie (ARS, dominée par les islamistes) a, elle, réaffirmé qu'un calendrier du retrait des troupes éthiopiennes était un préalable à toute discussion directe avec le gouvernement de transition (TFG). « Nous voulons au moins obtenir un calendrier pour le retrait éthiopien, ensuite nous pourrons nous asseoir face à face avec le TFG », a déclaré à la presse le vice-président de l'ARS, Abdurahamane Abdishakul Warsame, après des entretiens avec les ambassadeurs du Conseil de sécurité de l'ONU. Les ambassadeurs sont arrivés, lundi, à Djibouti, pour des consultations avec les parties somaliennes réunies pour des pourparlers, au premier jour d'une tournée en Afrique portant sur la plupart des crises majeures du continent. Le chef de la délégation du Conseil de sécurité, l'ambassadeur d'Afrique du Sud Dumisani Kumalo, avait déclaré plus tôt qu'un « déploiement d'une mission de l'ONU en Somalie est conditionné par le processus de paix et par le rétablissement de la sécurité en Somalie. La situation sécuritaire doit s'améliorer ». La Somalie est ravagée par une guerre civile quasi-ininterrompue depuis 1991. Une dizaine de tentatives pour ramener la paix dans le pays ont échoué. Les troupes éthiopiennes sont intervenues au côté du gouvernement fédéral de transition (TFG) en décembre 2006/janvier 2007, pour chasser du pouvoir les islamistes et sont depuis embourbées dans le pays. L'ambassadeur adjoint des Etats-Unis au Conseil de sécurité, Alejandro Wolff, avait renouvelé le soutien de son pays à l'Ethiopie, l'un de ses principaux alliés dans la région. L'ambassadeur du Royaume-Uni, John Sawers, a souligné de son côté qu'« il est nécessaire que le TFG élargisse sa base politique. L'ARS doit être impliquée ». Une conférence de réconciliation se tient depuis le 12 mai à Djibouti, sous l'égide de l'ONU entre le TFG et l'ARS. Le premier round de négociations s'est achevé le 16 mai sans résultat notable et sans que les deux parties somaliennes ne se soient rencontrées directement. L'impasse au Darfour Les médiateurs de l'ONU ont dû reporter une réunion destinée à discuter de l'insécurité au Darfour, car les deux principaux groupes rebelles de cette région de l'ouest du Soudan ont refusé d'y participer, a indiqué, lundi dernier, l'émissaire de l'ONU pour le Darfour. « Nous l'avions préparée de manière si concrète que nous avions même un endroit et une date en Suisse, mais nous avons malheureusement été empêchés de commencer cette semaine comme prévu », a affirmé Jan Eliasson à la presse, à Khartoum. « Nous regrettons beaucoup cela, mais nous allons maintenant continuer les discussions avec les différents mouvements (...). La méthode que nous allons utiliser pour l'instant, sera des contacts bilatéraux, plutôt que la table ronde prévue », a-t-il ajouté. M. Eliasson, qui a rencontré à Paris et à Londres le leader du Mouvement de libération du Soudan et des commandants du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) — qui a lancé une attaque contre Khartoum le mois dernier—, a affirmé qu'ils s'opposaient à la présence des autres rebelles. Le processus de paix sous les auspices de l'ONU, a calé lorsque des négociations en Libye en octobre dernier, ont été boycottées par ces deux importantes factions rebelles. M. Eliasson a déclaré que la situation au Darfour se détériorait, citant les tensions entre le Soudan et le Tchad, l'attaque du JEM et les récents combats entre l'armée soudanaise et les ex-rebelles sudistes à Abyei, une région pétrolifère stratégique. « C'est une tendance très négative et je suis très inquiet (...). Depuis la fin de l'année dernière, les choses vont dans la mauvaise direction », a-t-il souligné. « S'il y a une escalade à ce stade et qu'au même moment la saison des pluies commence, nous pourrions entrer dans une situation catastrophique », a-t-il estimé. Le Darfour est ravagé depuis 2003, par un conflit qui a fait jusqu'à 300 000 victimes, selon l'ONU, et plus de deux millions de déplacés. Khartoum parle seulement de 9000 morts. La piraterie, ce nouveau fléau Le Conseil de sécurité de l'ONU a autorisé lundi dernier, l'entrée de navires de guerre dans les eaux territoriales de la Somalie, avec l'accord de son gouvernement, pour combattre la piraterie. Le texte autorise, pour une période de six mois renouvelable, « les Etats qui coopèrent avec le gouvernement de transition somalien (GTS) à pénétrer dans les eaux territoriales de la Somalie dans le but de réprimer la piraterie et le vol à main armée en mer. » Cette autorisation a été donnée sous réserve de l'accord du GTS, qui aura communiqué, au préalable, au secrétaire général, Ban Ki-moon, la liste des Etats qui coopèrent avec lui dans ce domaine. Le texte précise que ces Etats seront habilités, dans les eaux territoriales somaliennes, à « recourir à tous les moyens nécessaires » pour mener à bien cette répression, tout en respectant « les dispositions du droit international concernant les actions en haute mer ». Il souligne le respect du Conseil de sécurité pour la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Somalie et invite tous les Etats à coopérer entre eux et avec l'Organisation maritime internationale (OMI) pour combattre la piraterie maritime au large de la Somalie. Il « encourage les Etats intéressés par l'utilisation des routes maritimes commerciales au large de la Somalie, à accroître et à coordonner leurs efforts pour empêcher les actes de piraterie, en coopération avec le GTS ». Le projet original envisageait la possibilité d'étendre l'application de ces mesures à d'autres régions du monde. Des zones maritimes comme le détroit de Malacca (Asie du sud-est) et le golfe de Guinée sont elles aussi affectées par la piraterie. Mais cette idée s'est heurtée à des oppositions au sein du Conseil, notamment celle de l'Indonésie. Calme précaire au Tchad Le général français Jean-Philippe Ganascia, commandant sur le terrain de la force européenne dans l'est du Tchad et le nord-est de la Centrafrique (Eufor), a estimé lundi, à N'Djamena, qu'il était actuellement peu probable qu'il y ait une attaque de rebelles contre le Tchad. « Actuellement, nous n'avons aucune information qui puisse nous laisser penser raisonnablement, qu'il puisse y avoir un raid rebelle comparable à celui de février ni même à celui qui s'est produit le 1er avril », a-t-il dit lors d'une conférence de presse. « Si cela devait néanmoins se produire, nous devrions évidemment prendre des mesures particulières en ce qui concerne les camps de réfugiés et nos propres forces », dans l'est du Tchad, voisin de la province soudanaise du Darfour en proie à la guerre civile depuis 5 ans, a ajouté le général Ganascia. « Le dispositif tchadien est solide. ils ont tiré beaucoup de leçons de l'attaque de février. Selon moi, il n'y a pas d'attaque imminente et on peut s'interroger sur le potentiel militaire résiduel de ces groupes. Est-il suffisant ? Est-ce que l'unité de commandement est suffisante ? Est-ce que leur unité politique est suffisante ? » « Cela fait deux mois qu'une colonne fantôme de 300 pick-up circule un peu partout (au Tchad). Pour l'instant, on ne l'a pas vue », a-t-il souligné. Des combats avaient éclaté le 1er avril dans l'extrême est du Tchad entre des rebelles et les forces gouvernementales, deux mois après l'offensive ratée des groupes armés hostiles au président Idriss Deby Itno qui, partis de bases arrière au Soudan, ont failli le renverser à N'Djamena les 2 et 3 février. « Le mandat de l'Union européenne (pour l'Eufor) est de rester neutre. Le Tchad est entièrement responsable de la protection de sa frontière. Nous espérons contribuer à la sécurité de la population. Le mandat n'a pas changé depuis le début de l'opération, le 28 janvier », a-t-il souligné. L'Alliance nationale (AN), qui réunit la plupart des groupes rebelles tchadiens, affirme être stationnée dans l'extrême-est du Tchad, notamment dans la région d'Adé, localité frontalière du Soudan. N'Djamena affirme qu'elle se trouve de l'autre côté de la frontière et, est soutenue par Khartoum.