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Pollution sonore : La sonate des décibels
Publié dans El Watan le 02 - 07 - 2008

La nuit a été chaude, humide et harassante. Le "bzzz" des moustiques a été étouffé par le bruit provoqué par un marteau- piqueur gigantesque, un brise-roche. Des travaux ont été entamés depuis fin mai dans l'agglomération du Grand-Alger, et dont l'ampleur laisse présager de nombreuses nuits sans sommeil.
Il est question, à cette époque de l'année, de refaire les trottoirs, d'introduire de nouvelles canalisations pour conduire le gaz à une cité qui vient de voir le jour et d'en réparer d'autres, esquintées par des années de basse et haute pressions d'eau… Ces mêmes canalisations qui ont été réparées l'été dernier et qui avaient aussi nécessité l'utilisation de l'artillerie lourde. Le gigantesque marteau-piqueur pique l'asphalte pour pénétrer le ventre de la ville et atteindre ses profondeurs. Les murs de habitations bougent au rythme des coups de pique les fenêtres faisant office de réverbères. Il est minuit, les seules lumières sont celles des étoiles et de la lune projetant un spot blafard sur la machine bruyante, éclairant la scène et lui donnant des allures fantasques. Le bruit fait résonance avec les arbres, les murs et le ciel. Il occupe l'espace en maître, se propage à la vitesse de la lumière et défalque ses ondes sur chaque molécule de matière. Une perceuse dégage 100 décibels, alors un marteau-piqueur gigantesque… Ce n'est que vers 3 h du matin que les habitants du Grand-Alger vont pouvoir appréhender les torpeurs du sommeil. Bien heureux d'entendre le ‘‘bzzz'' des moustiques.
Un matin à 60 décibels
6 h du matin. La voisine du dessus fait la vaisselle. Sa cuisine se trouve être au- dessus de la chambre. Les architectes ne pensent pas à tout… L'évier est en inox, inoxydable à l'air mais pas au bruit. Faisant office de caisse de résonance, l'eau tapage la cuve et martèle les tympans. Le réveil-portable d'un autre voisin prend le relais et indique qu'il est 6h30 du matin. Economie d'énergie assurée : pas besoin de laisser en marche son propre réveil, il est des habitudes de voisinage qui profitent à la collectivité. A peine le temps d'avaler le petit déjeuner que le tintamarre des enfants en partance pour l'école fait écho dans la cage d'escalier. A ces cris et ses esclaffes juvéniles s'ensuivent les coups de klaxon que les automobilistes actionnent une fois la ceinture de sécurité attachée. Un usage du klaxon qui devrait faire réfléchir plus d'un concessionnaire, pour en faire une option dans leurs futurs prototypes vendus en Algérie. Car, on peut se passer du clignotant mais jamais du klaxon. D'ailleurs, c'est dire de son importance : dans une voiture de petit segment de type coréen, refaire son klaxon coûte 10 000 DA. « Je vais le refaire le klaxon, même à 10 000 DA. ça va pas ! T'imagines toi rouler sans klaxon à Alger », explique une personne dont il est recommandé de taire le nom pour préserver sa réputation. La rue bouillonne. Le policier s'acharne sur son sifflet, les moteurs vrombissent, les marchands ambulants claironnent… Le centre de la capitale résonne de nuisances sonores qui sont devenues le lot quotidien de ses citadins. L'hôpital Mustapha Pacha, au centre de cette cacophonie, accueille des ambulances aux gyrophares tourmentés. Les passants, l'air désinvolte, ne se poussent même plus au bruit de l'alarme médicale. Les agents de l'EPA reprennent leur labeur visant à déchausser la chaussée pour quelques sombres travaux de printemps. « Mai, fais ce qu'il te plaît ! » Le brouhaha n'a de cesse de s'exprimer aux portes de la ville déjà alourdie par un soleil ravageur.
Symphonie de sons
Les oiseaux ont beau s'égosiller à chanter, rien n'y fait. Il est toujours un véhicule, une machine pour surpasser ses octaves et renvoyer au placard les douceurs de la mélodie chantée par le merle. Qu'il s'agisse de faire des courses au centre-ville ou dans sa périphérie, de travailler en entreprise ou de se balader, l'accès à l'espace public se fait toujours dans la souffrance et la sonorité. Pour s'en extraire, les cimetières ou les jardins publics style parc de Galland, où les bouches sont occupées à autre chose qu'à vociférer. Le retour au domicile aura son lot de klaxons, d'insultes et de vrombissements. Entre deux bouchées au dîner, les voisins calmeront le pas dans la cage d'escalier, et ne subsisteront que quelques jeunes désœuvrés qui feront appel à leurs amis en bas de l'immeuble, trop fatigués pour monter les étages. « Eh Tarek ! » sera suivi d'un défilement de voitures qui, une fois stationné sous les fenêtres des domiciles, lancera un strident coup de klaxon pour informer un prétendu voisin de leur arrivée. Et puis ce soir peut-être la douce chanson des moustiques.


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