Des dizaines de familles vivent de la taille de la pierre bleue. Les artisans travaillent dans des conditions pénibles. Cette activité n'a jamais fait l'objet d'intérêt d'une quelconque autorité et évolue dans une anarchie totale. La pierre bleue d'Ath Mansour, commune située à l'extrême est de Bouira, a servi depuis la nuit des temps de matière première dans l'habitat, mais aussi utilisée comme dalles tombales. Ce n'est que dans les années 1980 que quelques chômeurs de cette localité ont pensé à sa commercialisation, loin d'imaginer la formidable explosion de cette activité en raison d'une forte demande qui a peu à peu dépassé le cadre local pour s'étendre à l'échelle nationale à partir des années 1990. La crise économique et le chômage ont poussé la majorité des habitants de cette région, pour le moins déshéritée, vers ce créneau fort lucratif de la taille de pierres. Quelques dizaines de personnes ont épousé la profession de tailleur de pierres dans un premier temps. Aujourd'hui, elles se comptent par centaines, grâce à l'engouement ressenti au fil des ans pour la pierre bleue. Il s'est produit un boom économique dans cette commune qui était parmi les plus pauvres au lendemain de l'indépendance. Le filon inépuisable de cette pierre revêt toutes les caractéristiques d'une véritable mine d'or en matière de richesse. De plus, son exploitation ne demande pas de grands moyens financiers et est à la portée de tous. Située à fleur de sol, son extraction se fait à l'aide d'un long burin utilisé en guise de levier, une masse de 5 kg, mais surtout une bonne constitution physique en raison de son poids extrêmement lourd, car pleine et non poreuse. On distingue deux types d'artisans, d'abord ceux spécialisés dans l'extraction qui nécessite, en plus de la force physique, une certaine technique et un savoir-faire pour découper dans la plaque unie des morceaux selon la largeur et l'épaisseur voulues, qu'il faut ensuite ramener en surface. Une fois dégagée, la pierre est prise en charge par les tailleurs qui, en « ciseleurs » expérimentés et tels des sculpteurs, lui donnent une forme à l'aide d'un léger marteau. Ils la façonnent en un tour de main pour en faire un matériau de décor d'une beauté exceptionnelle. La partie supérieure de ces immenses gisements de pierre bleue est composée d'une couche d'ardoise, laquelle est extraite en plaques de 3 à 4 m2 multicolores, bleue, rose foncé, marron et noire. Une fois le façonnage terminé, ces merveilleuses pièces de décor sont exposées dans des aires aménagées en bordure de la RN5, sur des centaines de mètres, bien en vue de potentiels clients, lesquels affluent des quatre coins du pays. Aujourd'hui, la majorité des 10 000 habitants de la commune d'Ath Mansour pratique cette activité qui a toutes les caractéristiques d'une industrie en plein essor faisant vivre des centaines de familles. Malheureusement, cette formidable activité n'a jamais fait l'objet d'intérêt d'une quelconque autorité et évolue dans une anarchie totale et de manière archaïque. La méthode et les moyens utilisés sont plus que centenaires et n'ont jamais connu d'évolution et d'amélioration des conditions de travail semblables à celles des usines de charbon de la période coloniale. Enfin, faut-il souligner que les artisans d'Ath Mansour travaillent dans des conditions pénibles.