Baisse de 30% des rémunérations, charte de déontologie des ministres, déplacements en transports en commun... le nouveau pouvoir de gauche français a passé ses premiers jours à marteler sa différence avec l'équipe sortante du conservateur Nicolas Sarkozy. Lors de sa prise de fonctions mardi, François Hollande a poursuivi son entreprise de rupture de style avec son prédécesseur, une des clés de sa victoire, affichant sa volonté d'être un président sobre et proche des gens là où Nicolas Sarkozy est resté prisonnier de l'image de ses débuts, celle d'un président ami des grands patrons et au comportement "bling-bling". "Le pouvoir au sommet de l'Etat sera exercé avec dignité mais simplicité", a promis François Hollande lors de son allocution d'investiture où il n'a pas rendu hommage à son prédécesseur, après l'avoir à peine regardé quitter la cour de l'Elysée au terme de la passation de pouvoirs. Le premier Conseil des ministres jeudi, avec un gouvernement de 34 membres paritaire homme/femmes, a persévéré dans cette voie avec l'adoption d'une baisse de 30% des rémunérations du président et des ministres, là où Nicolas Sarkozy avait augmenté le sien de 170%. Sans être dupe de la stratégie un peu systématique de communication de François Hollande et tout en soulignant que cela ne pouvait tenir lieu de politique, la presse française se réjouissait néanmoins vendredi de ces symboles de début de quinquennat. "Dans le registre de l'exemplarité, le chef de l'Etat a tapé fort. Comment le lui reprocher? Avec la crise, les Français demandent des sacrifices aux élites. Les voilà servis", saluait l'Est républicain. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a aussi fait signer aux membres du gouvernement une "charte de déontologie", qui se peut lire comme autant de critiques en creux du pouvoir précédent. Les ministres ne pourront pas cumuler leur portefeuille avec une responsabilité locale, comme Alain Juppé qui était aux Affaires étrangères et maire de Bordeaux (sud-ouest), devront se garder de tout conflit d'intérêt et de toute invitation par un séjour privé par un gouvernement étranger. Une allusion claire à certaines affaires, comme le voyage de l'ancienne ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie avec sa famille dans un avion d'un proche du régime de l'ex-dictateur tunisien Ben Ali. Les membres du gouvernement devront aussi "privilégier le train pour les déplacements d'une durée inférieure à trois heures", là où l'ex-Premier ministre François Fillon utilisait un avion gouvernemental pour aller en week-end sur ses terres près du Mans (ouest), à une heure de TGV de Paris. Reste à savoir si ces dispositions, qui visent à rapprocher (un peu) la France des pays d'Europe du Nord où les gouvernants mènent des vies "normales", résisteront aux décors luxueux des palais de la République et aux contraintes du protocole et de sécurité pour le président. Le changement s'affiche aussi dans l'intitulé de certains postes: la Coopération, trop associée aux réseaux d'influence entre Paris et ses anciennes colonies africaines, est abandonnée au profit du Développement, confié à un écologiste, Pascal Canfin, expert en lutte contre les paradis fiscaux. Là aussi, il faudra juger de sa marge de manoeuvre par rapport à son ministre de tutelle Laurent Fabius, en charge des Affaires étrangères. Revers de la médaille, toute entorse à cette exemplarité sera rapidement relevée. Epinglée par une association, la ministre déléguée à la Justice Delphine Batho a dû annoncer vendredi avoir résilié le bail d'un logement social de la ville de Paris qu'elle occupait à un prix 30% inférieur à celui du privé. Plus anecdotique, l'écologiste Cécile Duflot s'est faite critiquer pour être arrivée en jean's à l'Elysée. "Quand on représente les Français, il faut faire la différence entre la dilettante du week-end et la tenue du Conseil des ministres", a jugé l'ancienne ministre de droite Nadine Morano.