Postes de polices incendiés, débits d'alcool attaqués: les salafistes radicaux, pourtant très minoritaires en Tunisie, multiplient les coups d'éclat et provoquent l'inquiétude de la société civile qui s'interroge sur l'absence de réaction des autorités. Les actions des groupes salafistes, spectaculaires et destinées à marquer les esprits, se sont enchaînées ces 10 derniers jours. Le week-end dernier à Sidi Bouzid (centre), ils intimaient aux propriétaires de points de vente d'alcool de fermer, et devant le refus de ces derniers, ont incendié un établissement. Samedi, ils s'en sont pris à des postes de police et ont attaqué des bars dans plusieurs localités du gouvernorat de Jendouba (nord-ouest). Armés de bâtons ou de sabres, criant "Allahou Akbar", les "barbus", qui, selon certaines sources, comptent dans leurs rangs de nombreux jeunes désoeuvrés ou voyous recrutés pour "casser", effrayent et sèment la panique. Ils sont pourtant très minoritaires en Tunisie: les chercheurs les estiment à une petite dizaine de milliers, et leur meeting annuel dimanche dernier à Kairouan (centre), qui se voulait une démonstration de force, n'a rassemblé que quelques milliers de personnes. Mais leur capacité de nuisance, ainsi que le passé jihadiste de certains de leurs leaders, inquiète. Le chef de file du mouvement Ansar Al Charia (parmi les plus radicaux), Seif Allah Ben Hassine, alias Abu Yiadh, a combattu en Afghanistan et a été inscrit en 2002 sur une liste de l'Onu des personnes ou groupes liés à Al-Qaïda. Condamné à plus de 60 ans de prison par le régime Ben Ali, il a bénéficié de l'amnistie après la révolution. "Des groupes violents hors la loi propagent la terreur", a mis en garde vendredi le président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (Ltdh), Abdessatar Ben Moussa, à l'occasion du 35e anniversaire de son organisation. Ils "agressent physiquement et moralement des femmes, des intellectuels, des journalistes, des créateurs, des syndicalistes, des politiciens ainsi que des militants des droits de l'Homme", a-t-il énuméré, tandis que son prédécesseur Mokhtar Trifi estimait qu'ils "menaçaient les libertés en Tunisie". Sans compter l'impact possible sur le tourisme, admis la semaine dernière par le ministre du Tourisme Elies Fakhfakh, qui s'est inquiété de "l'image fausse et agressive" qui pouvait être véhiculée.