[image] La transition vers la démocratie en Egypte paraissait en péril vendredi après l'invalidation des législatives remportées par les islamistes, dont le candidat affronte une figure de l'ancien régime au second tour de la présidentielle prévu samedi et dimanche. La décision de la Cour constitutionnelle d'invalider jeudi les résultats du scrutin législatif pour un vice dans la loi électorale a été qualifiée par les islamistes et les forces politiques issues de la mouvance "révolutionnaire" de véritable "coup d'Etat" orchestré par l'armée au pouvoir. La mise hors-jeu de l'Assemblée pourrait en effet permettre au Conseil suprême des forces armées (CSFA) de reprendre à son compte le pouvoir législatif, comme cela fut le cas dans la période entre la chute de Hosni Moubarak en février 2011 et la première session du nouveau Parlement un an plus tard. "Le scénario de la contre-révolution est bien clair à travers une série d'épisodes passant par les acquittements dans le procès de Moubarak (le 2 juin), la décision de donner à la police militaire et aux renseignements militaires le pouvoir d'arrêter des civils et finalement l'invalidation du Parlement", a déclaré un collectif de partis de gauche, laïques et libéraux. "Toutes ces mesures démontrent que le CSFA est déterminé à reproduire l'ancien régime et que la présidentielle n'est qu'une mauvaise comédie visant à permettre au CSFA de renforcer son emprise sur les rouages de l'Etat et de les mettre au service du candidat de l'ancien régime, Ahmad Chafiq", ont dénoncé ces partis dans un communiqué. Pour Khalil al-Anani, spécialiste du Moyen-Orient à l'université britannique de Durham, "ce qui se passe fait partie du plan global de transition mis au point par les militaires, qui essaient depuis près d'un an et demi d'absorber le choc de la révolution". "Cela relève avant tout d'une stratégie politique pensée de façon sérieuse par l'institution militaire, qui essaie de garder la totalité des options ouvertes quel que soit le résultat de la présidentielle", souligne Mathieu Guidère, spécialiste du monde musulman à l'université de Toulouse (France). Le candidat des Frères musulmans pour la présidence, Mohammed Morsi, a cependant annoncé qu'il respectait la décision de la Cour, qui a aussi invalidé une loi privant les piliers de l'ancien régime de leurs droits civiques, permettant ainsi à Ahmad Chafiq, le dernier Premier ministre de Moubarak, de rester dans la course. "Le peuple égyptien qui a élu dans la liberté et la transparence ses députés est en mesure de réélire d'autres personnes qui protègeront les acquis de la révolution que des personnes veulent confisquer", a déclaré le président de l'Assemblée du peuple, l'islamiste Saad al-Katatni. "Le peuple est bien déterminé à protéger sa révolution contre les corrompus de l'ancien régime", a renchéri M. Morsi lors d'une conférence de presse. M. Chafiq, arrivé en deuxième position au 1er tour fin mai après une campagne axée sur le thème du rétablissement de la sécurité, a multiplié ces derniers jours les promesses de "reconstruire un Etat et une économie modernes", de "lancer des grands projets pour résorber le chômage" et de "garantir les libertés individuelles et de la presse". L'armée a quant à elle averti dans une déclaration reproduite par l'agence officielle MENA vendredi qu'elle ferait "fermement face à quiconque empêcherait les citoyens de choisir le futur président de l'Egypte". Elle a aussi annoncé le éploiement de 150.000 militaires pour assurer la sécurité dans plus de 13.000 bureaux de vote à travers le pays. Les détracteurs de M. Chafiq, un général à la retraite, le considèrent comme le candidat de l'armée, qui s'en défend. Conformément à la loi électorale, les deux candidats du second tour de samedi et dimanche sont astreints au silence à partir de vendredi midi. Pour inciter les quelque 50 millions d'électeurs potentiels à se rendre aux urnes, les autorités ont décrété samedi et dimanche jours fériés. Et le ministère de l'Intérieur a annoncé un plan de sécurité draconien pour prévenir d'éventuels troubles.