«Hors-la-loi» du cinéaste algérien Bouchareb a crevé l'écran pour nous faire balader dans un film documentaire enrobé dans une fiction typiquement hollywoodienne où s'entremêlent immigration, cause nationale et règlements de comptes. La palme revient toutefois à un scénario qui déroule l'histoire de trois frères et leur mère magnifiquement campée par Chafia Boudraâ. L'aîné s'engage en Indochine pendant l'engagement militaire français contre le Vietnam. Le cadet Abdelkader prend la tête du mouvement pour l'indépendance de l'Algérie, le troisième Saïd fait fortune dans la milieu à Pigalle. Une magistrale réplique de Rocco et ses frères. Leur destin, scellé autour de l'amour d'une mère, se mêlera inexorablement à celui d'une nation en lutte pour la liberté. A forte consonance patriotique, les acteurs militants Djamel Debouz, Rochdy Zem et Sami Bouadjila ont brillé dans leur costume maghrébin pour faire un sans-faute à l'endroit du FLN en lutte contre les traîtres de la révolution et la main rouge. Les trois compères se sont surpassés pour nous transposer dans une guerre à trois dimensions. Il fallait pour chacun d'eux combattre l'ennemi sous toutes ses formes. C'est Elia Kazan version Bouchareb. C'est dans un décor d'après-guerre qui reprenait toutes les scènes de l'émigration méditerranéenne vers les Etats-Unis que l'auteur a centré son film. Pour les plus avertis des cinéphiles, on se retrouve nez à nez avec la romance des années folles. Le film contient le souffle et l'ampleur d'un grand drame épique. Une fresque reflétant quarante ans d'histoire avec de grands décors, des séquences d'action et des costumes minutieusement travaillés. Avec deux heures de projection, le film «Hors-la-loi» a brillé sous le ciel de la Riviera cannoise. Les critiques de septième art se sont délectés devant un écran où l'histoire et le cinéma ne font qu'un. Il est presque impossible d'apposer le coup de ciseaux à une œuvre pareille pleine d'humanisme. Un film qui ouvre le grand débat pour la bonne conscience. Dans la foulée de ce magnifiquement événement cinématographique, le cinéma algérien vient de glaner son ticket pour d'autres festivals internationaux du film. Les détracteurs d'hier se sont enfin inclinés devant l'art et l'histoire pour laisser place au devoir de mémoire. Bouchareb a apposé une magistrale touche d'esthétique à l'œuvre pour filmer, dans la passion des deux camps, la terrible guerre d'Algérie. Encore une fois, le pari est gagné, après «Indigènes», c'est «Hors-la-loi» qui passe.