La projection du film Hors-la-loi, en compétition officielle pour la Palme d'or du 63e Festival de Cannes, sous les couleurs et la bannière de l'Algérie, a drainé un aréopage massif de journalistes, de comédiens et d'hommes de culture. Dès les premières images, le nouveau film de Rachid Bouchareb Hors-la-loi ayant suscité une polémique en France, avant même sa sortie et sa vision – Rachid Bouchareb a été obligé d'adresser une lettre au directeur du Festival pour dépassionner le débat autour de son film –, vous tient en haleine et vous prend aux tripes pour ne pas dire « trip ». Un voyage, un flash-back sur l'histoire de la résistance nationale et le mouvement révolutionnaire contre le colonialisme français. Rachid Bouchareb signe, ici, sans complaisance ou autre flagornerie, une œuvre majeure d'excellente facture, surtout au niveau de la mise en scène. C'est que ce réalisateur, après Indigènes et London River, est en train de s'affiner et de se bonifier, filmiquement parlant. La preuve ! Il traite d'un pan de l'histoire algérienne sous l'occupation française. Mais pas d'une manière manichéenne, frontale et déclarée. Rachid Bouchareb retrace une guerre, un combat d'un peuple s'affranchissant, se libérant et arrachant son indépendance. Et ce, de par une fiction mêlant drame, histoire et action. Trio infernal Le pitch du film ? Chassés de leur terre algérienne, leur humus natal, à Sétif, en 1925, trois frères et leur mère sont séparés. Messaoud s'engage en Indochine. A Paris, Abdelkader prend la tête du mouvement pour l'indépendance de l'Algérie et Saïd fait fortune dans les bouges et les clubs de boxe de Pigalle. Leur destin, scellé autour de l'amour d'une mère, se mêlera inexorablement à celui d'une nation en lutte pour sa liberté… Une histoire filiale d'une fratrie d'armes. Un film fait office de suite d'Indigènes, dont le scénario est de Rachid Bouchareb et Olivier Lorelle. Cette fois-ci, sans Samy Naceri, avec sa « dream team » : Jamel Debbouze, Sami Bouajila, Roschdy Zem, Bernard Blancan qui ont crevé l'écran. Avec une mention spéciale pour les comédiens algériens comme Chafia Boudrâa, Ahmed Benaïssa et Mourad Khan qui ont joué juste et avec générosité. Un thriller historique, mnémonique et chronologique digeste et galvanisé. 2 heures 11 minutes pour convaincre… les sceptiques, les détracteurs et les esprits chagrins. Du celluloïd d'une brillance, pas à l'effet bœuf, compulsant les interstices de l'histoire. L'exaction féodale, l'expropriation, les massacres du 8 Mai 1945 à Sétif (Guelma et Kherrata), la guerre d'Indochine en 1953, le déclenchement de la révolution de Novembre 1954, l'activisme nationaliste au bidonville de Nanterre (Paris), les actions révolutionnaires du FLN au cœur de la France, les manifestations d'octobre 1961 réprimés par la police de Papon, les exécutions sommaires de la Main rouge (escadrons de la mort, un service parallèle et clandestin français), des activistes du FLN et puis l'indépendance en 1962. Mise en scène au cordeau Hors-la-loi est émaillé par plusieurs référents et autres clins d'œil, de façon subliminale, de la cinéphilie de Rachid Bouchareb. Salvatore Giuliano de Francisco Rosi, Le Sicilien de Michael Cimino, 1900 de Bernardo Bertolucci, Le Parrain de Francis Ford Coppola, Bonnie and Clyde d'Arthur Penn ou encore Chroniques des années de braise de Lakhdar Hamina dans la chronologie. En fait, Rachid Bouchareb a évolué et cela se sent de par son élévation, voire épaisseur filmique universelle mâtinant des fondus enchaînés subtils entre les séquences documentaires en noir et blanc avec le détail artistique colorisé (le drapeau algérien vert, blanc, rouge et celui français, bleu, blanc, rouge), des plans à l'œil compas, des découpages au cordeau, et une trame déclinée comme du papier à musique. Bref, un film pas du tout mineur, émouvant, lacrymal, incisif, fluide, sans complexes et sans complexes. Hors-la-loi est un film élégant, quoi ! Il peut prétendre à une distinction quant à la mise en scène ou à un prix d'interprétation au Festival de Cannes. Hors-la-loi sortira en salle le 22 septembre 2010.